Atlas / 6. Synthèse des orientations et recommandations
Pour l’avenir, on pourrait en théorie continuer à considérer le paysage de La Réunion comme une conséquence des actions des hommes sur le territoire ; conséquence fortuite, hasardeuse, plus ou moins heureuse selon les choix, les époques, les lieux. Et il est vrai que : exploiter la forêt, cultiver les terres, construire des logements, développer des activités économiques et touristiques, tracer des routes et des chemins, produire de l’énergie, préserver et gérer des espaces naturels, … toutes ces actions engagées depuis 350 ans dans l’île constituent un « cadre » de vie, évoluant avec le temps. En ce sens, le paysage est bien le résultat mouvant de l’action des hommes sur un territoire donné. On le laisserait ainsi se faire au gré des actions d’aménagement, avec la conscience d’autant plus tranquille que, désormais, près de la moitié de l’île est protégée au sein d’un Parc National – depuis 2007- et estampillée Patrimoine mondial de l’Unesco – depuis 2010.
En réalité, cette pensée à minima du paysage comme simple conséquence des actions humaines a déjà montré ses limites. Les puissants processus de transformation à l’œuvre depuis plus de 70 ans n’ont rien à voir avec ceux des trois premiers siècles de colonisation de l’île :
Dans ces conditions, qui cumulent accélération des transformations et complexification du cadre institutionnel, culturel et opérationnel, il faudrait un miracle pour que le résultat produit sur le territoire compose un paysage agréable et harmonieux. Comme en musique, chacun peut jouer brillamment, mais, ensemble dans une même salle et sans partition commune, le résultat produit sera fatalement cacophonique. Le diagnostic réalisé dans le cadre du présent Atlas révèle déjà de nombreux problèmes ou risques (voir la partie 5. Les processus, enjeux et orientations thématiques).
Certes les mesures de protection, nombreuses, couvrent une part exceptionnelle de l’île, jouant leur rôle de « préservation » des paysages. Mais ces mesures sont limitées : elles concernent surtout les espaces de nature, et se cantonnent à ce à quoi elles sont destinées (la préservation de ce qui existe) ; elles ne préjugent en rien de ce qui est à construire, à fabriquer et à inventer : les paysages du quotidien, ceux qui sont habités, travaillés et circulés chaque jour : quel cadre de vie souhaite-t-on pour demain ? Même pour les espaces de nature protégés, la question de la gestion, irréductible, déborde celle de la protection : « gérer pour qui, pour quoi et comment ? » sont des interrogations qui dépassent l’existant et concernent l’avenir, obligeant à faire des choix.
La Réunion dispose par ailleurs d’un document réglementaire d’ensemble, le Schéma d’Aménagement Régional, et de ses déclinaisons intercommunales et communales par SCOT et PLU(i). Ces documents d’urbanisme, chacun à leur niveau, influent sur les paysages de demain. Ils répondent ensemble en partie aux questions « quoi ? où ? et combien ? ». Mais leurs réponses en termes de logements, d’équipements, d’activités, de transports et d’environnement restent relativement peu éclairés, alimentés ou tenus par un dessein de paysage. Le désir de cadre de vie n’est pas exprimé autrement que par une préservation d’espace existant ; il infuse peu les choix stratégiques (quoi ? pourquoi ?) et encore moins les choix opérationnels sur les façons de faire (comment ?). C’est que la question du paysage ne relève pas que du réglementaire : elle est surtout liée à une culture partagée.
Ainsi, le paysage dans son ensemble est une question d’avenir ; il ne peut plus être seulement considéré comme une conséquence fortuite des actions sur le territoire. Se poser la question du paysage souhaitable, désirable, pour La Réunion et ses habitants offre l’opportunité d’une vision harmonieuse du développement, qui dépasse les logiques sectorielles, les critères quantitatifs, les champs de compétences respectifs, les limites territoriales des uns et des autres. Le projet de paysage n’est pas une question de spécialiste, mais cela devient une question de société. C’est une question qui croise les trois axes du développement durable, un point de rencontre entre les logiques environnementales, économiques et sociales, un moyen pour penser La Réunion durable et en faire un territoire vivable, viable et équitable. C’est aussi une manière de concrétiser la transition énergétique et écologique qu’impose le dérèglement climatique, en faisant évoluer concomitamment les cadres et modes de vie . C’est donc désormais tout différemment que l’on doit considérer le paysage : non plus comme un résultat statique, une image figée dans l’instant ; mais au contraire comme un processus évolutif que l’on accompagne dans une direction voulue. En plaçant le paysage désiré en tête et au cœur des réflexions et des actions, on adopte une nouvelle méthode de l’aménagement et de l’urbanisme — et même une philosophie — très différente des approches aménagistes héritées du XXᵉ siècle : la démarche de paysage.
On peut la résumer en cinq points :
Parce que le cadre dans lequel on doit vivre se désire, s’imagine et se fabrique, le présent Atlas, dans cette dernière partie, propose des orientations d’avenir pour l’espace Réunionnais. En considérant le paysage comme projet et non plus seulement comme conséquence, en plaçant le cadre et le mode de vie au cœur de la réflexion et non plus à la marge, ces orientations ont vocation à réinterroger les politiques et les pratiques de l’aménagement. Ainsi formulées et illustrées dans l’Atlas, elles n’ont pas de portée réglementaire : les principes proposés visent à développer la culture partagée du bien faire pour bien vivre ensemble.
Concrètement, ces orientations peuvent utilement alimenter les cahiers des charges des consultations dans le domaine de l’aménagement, et se prolonger par la conception d’outils de communication spécifiques et ciblés. Elles peuvent nourrir les documents d’urbanisme SAR, SCOT et PLU. Elles peuvent aussi trouver des prolongements par l’élaboration de chartes et de plans de paysage, traduisant l’esprit de l’Atlas aux échelles intercommunales et communales. C’est d’ailleurs ce qui se fait avec le Plan de paysage de TCO (2020) et celui du Parc National (en cours en 2022-2023). Enfin et surtout, elles méritent de faire l’objet de débats pour être partagées et précisées avec les acteurs concernés, mais aussi articulées avec les outils existants ou à mettre en œuvre. L’ensemble se traduirait alors en « objectifs de qualité paysagère » au sens de la Convention Européenne du Paysage.
Pour préparer ce travail d’animation de projet, l’Atlas développe les orientations en deux chapitres, qui synthétisent les orientations par unités de paysage (développées dans la partie 4. Les unités de paysage) et par thématiques (développées dans la partie 5. Les processus, enjeux et orientations thématiques) :
Les orientations sont spatialisées par des schémas et par des cartes au 1/100 000ᵉ, afin d’alimenter les documents de planification de l’île.
Nota : le concept d’île-jardin pour La Réunion a été développé par Bertrand Folléa en 1997 dans le cadre d’un colloque organisé par le CAUE sur le paysage (voir par exemple l’article du Quotidien en date du 25 octobre 1997). Il a été inscrit dans l’Atlas des paysages de La Réunion (première version 2010) et a été développé dans un article publié dans les Carnets du Paysage en 2012 (“La montagne de La Réunion : projet pour l’île-jardin” – Bertrand Folléa – Les carnets du paysage n°22, Actes Sud et ENSP).
Le concept d’île-jardin est défini pour maîtriser la qualité paysagère de La Réunion, dans un contexte d’espace rare, fragile et sous forte pression de transformation.
Le « jardin » est synonyme de paradis. Étymologiquement, il signifie espace clos, fermé sur lui-même. C’est un lieu de représentation du monde et d’expérimentation. Enfin, il sous-entend un travail permanent de gestion. La Réunion de demain peut-elle être regardée – mais aussi aménagée et gérée – comme un jardin ?
« La question du paysage a un sens si elle est liée à un mode de vie ou à une culture ».
Michel Reynaud, architecte, paysagiste, membre de la SREPEN
La Réunion n’est plus un farwest, une terre de conquête, une colonie ; en étant petite, fermée sur elle-même et isolée dans l’Océan Indien, elle n’a pas d’autre solution que de se développer de façon durable : pas d’espoir illusoire de gagner d’autres terres, d’autres ressources, que celles en place, si celles-ci viennent à s’épuiser par gaspillage.
La Réunion sera durable ou ne sera pas. La voici condamnée à l’excellence environnementale. Elle constitue le paradigme de la planète terre, isolée dans le vide abyssal de l’espace, sans échappatoire.
Bénéficiant des soutiens de l’Europe et de la métropole, La Réunion peut mieux qu’ailleurs en milieu tropical inventer son devenir, ouvrir des voies, montrer l’exemple. Ici, la conscience de la finitude, de la petitesse et de la fragilité du cadre de vie commun est plus sensible qu’ailleurs : on vit nombreux sur une terre exigüe, dans une situation isolée, au contact d’une nature belle mais rude (volcanique, océanique et cyclonique) et fragile. C’est ainsi que La Réunion expérimente déjà les concepts de développement durable pour faire de l’île un espace d’excellence internationale sur le développement durable, dans les domaines de la maîtrise, de la production et du stockage de l’énergie, des déplacements, de l’urbanisme et de l’aménagement durable.
En matière de gestion environnementale, La Réunion a aussi innové en créant le premier Parc National nouvelle génération, issu de la Loi Parc qui a spécifiquement introduit la préservation des paysages dans les missions des Parcs. En matière d’habitat, La Réunion est le seul département d’outre-mer à porter un projet d’EcoCité (TCO) ; une politique émergente d’innovation en matière d’architecture durable tropicale existe et trouverait tout son sens à se renforcer puissamment dans le contexte de fort enjeu de construction et de requalification que connaît l’île ; de même en matière de transports et déplacements, qui pourrait totalement renouveler le rapport des Réunionnais à l’espace en sortant du tout-voiture et de la dépendance au pétrole.
La Réunion n’est pas une terre simplement à protéger, à mettre sous cloche, à soustraire aux hommes. Même ses espaces les plus naturels doivent faire l’objet de projet, au-delà de leur seule protection, pour orienter les choix de gestion : par exemple les choix des dosages et des formes d’accueil du public, ou de lutte contre les plantes envahissantes. Le volcan, le Piton des Neiges et la forêt primaire de Bébour font ainsi partie de l’île-jardin parce qu’ils doivent être gérés.
Cette terre fragile, aussi intensément habitée et parcourue, nécessite d’être soignée partout, quel que soit l’espace considéré, pour constituer un cadre de vie équitable, viable et vivable. Comme un jardin, elle demande un travail permanent pour offrir de façon renouvelée et pérenne ce qu’elle peut offrir de meilleur : jardin à parcourir et à découvrir par ses chemins et par ses routes, jardin habité pour ses villes et ses bourgs, jardin cultivé et de production pour ses espaces agricoles et pour ses espaces d’activités, jardin sauvage pour ses espaces de nature.
Dans le présent Atlas, Les orientations et recommandations proposées, déclinées en chapitres thématiques, sont toutes sous-tendues par le concept d’île-jardin.
La notion de « trame paysagère » proposée dans le présent Atlas est volontairement large. Elle associe les objectifs de préservation de la biodiversité à ceux de constitution d’un cadre de vie agréable et durable. Elle propose que les espaces non bâtis dans leur ensemble soient structurants pour le développement. À la trame verte et bleue proprement dite, qui vise à préserver la biodiversité en luttant contre la fragmentation du territoire, elle ajoute les espaces agricoles et les espaces de nature urbaine, jusqu’au cœur des espaces bâtis. Aux corridors biologiques, nécessaires au déplacement des espèces animales et végétales, elle ajoute les circulations douces, nécessaires au déplacement de proximité et de loisirs.
Un enjeu particulier concerne les pentes, où les minces ravines constituent l’essentiel des réservoirs et corridors biologiques entre hauts et bas. Réduits aux remparts et aux fonds des ravines, les espaces naturels des pentes apparaissent coupés des pratiques des habitants et de ce fait peu reconnus et valorisés. Fragiles, ces ravines concentrent l’essentiel des rares espèces animales et végétales indigènes ou endémiques des mi-pentes et pentes basses de l’île. L’absence d’épaisseur protégée conduit à une urbanisation au plus près des rebords de remparts, qui a le triple inconvénient du risque (éboulement, écroulement, inondation), de la privatisation d’espaces souvent exceptionnels (vues) et de la fragilisation des espaces et espèces (la ravine arrière-cour, recevant les déchets, soustraite aux regards).
En première approche, au moins trois mesures pourraient renforcer la préservation de la biodiversité sur ces pentes en luttant contre la fragmentation :
Entre Hauts et littoral, sur les pentes habitées et cultivées, la trame verte et bleue pourrait utilement conforter la valeur écologique et paysagère des ravines en identifiant et préservant leurs rebords, en plus des remparts et fonds, déjà identifiés en ZNIEFF voire ponctuellement protégés (sites classés…). L’instauration d’un recul d’implantation de quelques dizaines de mètres d’épaisseur de part et d’autre des ravines, et la création de bandes d’espaces « naturels » en accompagnement des ravines, permettrait à la trame verte et bleue de fonctionner avec plus d’efficacité. Voir Partie 5. Les enjeux et orientations thématiques > Les paysages de nature : orientations.
Sur les pentes, le tramage vert complémentaire, raccordant les ravines entre elles en suivant les courbes de niveaux, sera beaucoup plus difficile à réussir, faute de structure naturelle pouvant servir de support. Il s’agira nécessairement d’une structure de trame volontariste, allant au-delà de la préservation et du confortement des trames existantes. Cette création de tramage pourrait en partie se concrétiser au travers des lisières urbaines, espace d’interface entre l’urbain et l’agricole. Voir Partie 5. Les enjeux et orientations thématiques > Les paysages de l’habitat : orientations > Aménager des lisières urbaines, espaces d’interface urbain/agricole, ainsi que le « Schéma intercommunal d’aménagement des lisières urbaines », réalisé par le TCO en 2009) ; elle pourrait aussi se matérialiser avec les dispositions de lutte contre l’érosion et les pollutions dans les espaces agricoles : andains et bandes boisées les accompagnant. Voir Partie 5. Les enjeux et orientations thématiques > Les paysages agricoles : orientations > Valoriser le paysage agricole et la biodiversité par les structures arborées.
Sur les mi-pentes et pentes basses, essentiellement agricoles et urbaines, la biodiversité sera renforcée par la présence du tissu végétal de l’urbanisme, essentiel à la qualité de vie à La Réunion. En outre, la création de parcs naturels urbains, conciliant préservation des espaces et des espèces et fréquentation du public, pourrait ponctuellement renforcer la biodiversité des pentes en constituant des réservoirs-relais entre deux ravines, ainsi qu’entre Hauts et Bas. Voir Partie 5. Les enjeux et orientations thématiques > Les paysages de l’habitat : orientations > Promouvoir l’urbanisme végétal.
Sur les pentes de La Réunion, plus particulièrement soumises aux puissants processus de transformation en cours (Voir Partie 5 « Les enjeux et orientations thématiques »), l’intégration des principes de l’étagement et de l’alternance doit permettre d’organiser la cohabitation apaisée entre espaces agricoles et espaces urbains, sous forme d’archipel.
L’étagement et l’alternance sont des concepts essentiels pour l’organisation durable du développement des pentes de l’île. Ils ne sont pas nouveaux, mais ils méritent d’être consciemment maniés et réactivés dans le cadre des réflexions d’aménagement du territoire.
L’addition de l’étagement et de l’alternance pour organiser le développement des pentes de La Réunion constitue la matrice pour une « trame verte et bleue » telle que conceptualisée au Grenelle de l’Environnement.
L’ensemble conduit à concevoir les pentes de La Réunion comme un archipel d’îles urbaines au sein d’espaces agricoles et naturels protégés. Un schéma qui va à rebours de l’urbanisation linéaire observée jusqu’à présent, celle-ci tendant spontanément à la disparition même de cette organisation étagée et alternée. Il s’agit donc d’une politique nécessairement volontariste, susceptible de contrecarrer les processus tendanciels. Elle suppose d’autres formes de relations « ville-campagne », conceptualisées ci-dessous par « l’agri-urbanisme ».
Globalement l’agriculture prend place principalement entre l’urbanisation littorale et les forêts ou espaces naturels d’altitude, sur les longues pentes extérieures de l’île, entre 0 et, selon les pentes, 400, 800 ou 1200 m d’altitude. De ce fait, elle est en concurrence directe avec la pression du développement de l’habitat et des activités, des infrastructures et des équipements, principalement concentrés sur les 800 premiers mètres d’altitude. La SAU a d’ailleurs diminué, passant de 53 200 ha en 1980 à 43 700 ha en 2000 et à 38 650 ha en 2020. Chaque année, l’urbanisation consomme encore 500 ha de terres agricoles : soit l’équivalent de 3 terrains de football par jour tous les jours…
Cette situation se lit aujourd’hui dans le grand paysage, avec une présence presque systématique du semis d’urbanisation blanche piquant les étendues vertes agricoles, dans une imbrication parfois très étroite et complexe. Partout où porte le regard, le bâti est largement présent dans le grand paysage agricole ; il faut cadrer serré pour échapper à la présence des constructions. Aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, les paysages agricoles de La Réunion sont de fait presque partout périurbains voire urbains, et les logiques de développement ne peuvent ignorer les concepts d’agriculture périurbaine et urbaine. Le Département agit d’ailleurs désormais pour constituer des PAEN (périmètre de protection des espaces agricoles et naturels périurbains), le premier concernant Petite-Ile.
Dans ce contexte, les grands paysages agricoles vierges de présence d’urbanisation, purement agricoles, deviennent particulièrement rares et précieux : ils constituent de véritables respirations sur les pentes (on parle de « coupures d’urbanisation »), bienvenues dans un contexte généralisé d’urbanisation diffuse et globalement médiocre ; en étant ouverts, ils mettent en scène de façon majestueuse les vues, non seulement vers le littoral et l’océan à l’aval, mais aussi vers les hauts et leurs sommets découpés comme de la dentelle, bleutés dans la vive lumière du matin, plus mystérieux l’après-midi en se voilant d’écharpes nuageuses. Il existe ainsi de véritables perspectives paysagères d’importance patrimoniale majeure.
La valeur agronomique stratégique des terres, l’importance de la filière canne dans l’économie et la culture réunionnaises, la qualité des paysages produits au bénéfice du cadre de vie et du tourisme, nécessitent des protections plus solides que le seul héritage incertain de la structure foncière, par définition fluctuante. Les mesures prises par les communes ou les intercommunalités dans leurs documents d’urbanisme apparaissent insuffisantes sur le long terme face à la pression du développement.
Au-delà et en complément des protections, des dispositions d’aménagement doivent émerger pour penser le développement agricole et urbain concomitamment et non séparément par opposition.
Actuellement, la situation périurbaine de l’agriculture Réunionnaise apparaît encore peu reconnue économiquement et socialement. Outre son avenir économique même, c’est l’image de l’agriculture qui apparaît fragilisée, voire dégradée par la présence non maîtrisée d’urbanisation diffuse dans les parcelles ; mais c’est aussi l’usage socio-économique de l’espace agricole qui apparaît aujourd’hui décalé. Alors que les espaces naturels des hauts (volcan, cirques, forêts) comme ceux des plages sur le littoral, sont publics et largement appropriés par la population, les espaces agricoles sont privés et l’appropriation est au mieux visuelle : hormis leur rôle premier d’espaces de production, ils constituent de simples « décors » pour les habitants et visiteurs, visuellement sensibles mais vides d’usages. Cette absence d’appropriation économique et sociale contribue à leur fragilité.
L’appropriation physique, par les chemins, par les « séjours à la ferme », par l’achat direct chez le producteur, ou par tout autre moyen favorisant l’échange entre agriculteurs et visiteurs, mais aussi entre espaces agricoles et urbains, reste un enjeu fort pour faire de l’agriculteur un acteur reconnu du cadre de vie, et de l’agriculture une pièce maîtresse de l’aménagement du territoire.
Ainsi, c’est un agri-urbanisme qu’il faudrait penser, protégeant les espaces agricoles en « agriparcs », maîtrisant leur fréquentation par le public, encourageant les circuits courts de commercialisation et la vente directe, développant l’agri-tourisme, aménageant des transitions spécifiques entre espaces urbanisés ou urbanisables et espaces agricoles (les lisières urbaines), et préservant et aménageant les rebords de ravines dans des dispositions paysagères et environnementales.
Une cinquantaine de centralités peuvent être confortées par un urbanisme « des courtes distances », pour accueillir les besoins en logements/activités sans surconsommer d’espace agricoles et naturels ni aggraver la dépendance à la voiture individuelle (carrés rouges).
L’étalement urbain et le mitage rendent plus nécessaires le développement d’un urbanisme végétal, qui couvre potentiellement de grandes superficies (rayé vert franc), notamment sur les mi-pentes.
La carte fait apparaître la rareté des grands espaces naturels littoraux (bleu clair) : étang de Saint-Paul, cap la Houssaye, Pointe au Sel, Forêt de l’Etang-Salé, Côte du Grand Brûlé. Ils s’ajoutent aux sites, espaces plus ténus ponctuels ou plus linéaires allongés entre la route nationale (RN1/ RN2) et le trait de côte.
D’importants linéaires de côtes sont à requalifier dans des secteurs à très forts enjeux de cadre de vie : à Saint-Denis en premier lieu, mais aussi autour de Saint-Pierre (Saint-Pierre ouest vers Pierrefonds et Saint-Pierre est vers Grands-Bois), à Saint-André, Saint-Benoît, Saint-Joseph.
Une quarantaine d’embouchures de ravines méritent des dispositions de mise en valeur en milieu urbain, auxquelles il faudrait ajouter les linéaires même des ravines urbaines hors littoral.
La carte met en évidence la rareté des routes qui ouvrent sur le grand paysage depuis les pentes littorales ou intermédiaires. Cela les rend d’autant plus précieuses, avec nécessité de protéger leurs abords contre l’urbanisation linéaire. Les récentes routes (Route des Tamarins) ou les routes futures prévues au SAR méritent ainsi de devenir des routes-paysage en couplant des dispositions de protection de leurs abords avec les dispositions classiques d’aménagement. Les routes-paysages concernent beaucoup l’intérieur de l’île (accès à Salazie/Hell-Bourg, RN3, accès à Cilaos), autant de routes appelées à être « renforcées » de façon prioritaire dans les années à venir (d’après le SAR) : ces projets représentent là encore un fort enjeu de paysage.
De longs linéaires de routes « lignes de vie » sont à revaloriser au bénéfice des habitants riverains et du tourisme, dans les hauts de l’ouest (route Hubert-Delisle) et du sud, ainsi que sur la côte est de Sainte-Rose, Saint-Philippe et Saint-Joseph.
Enfin des séquences plus courtes mais non moins importantes pour la qualité du cadre de vie et du tourisme concernent les routes nationales littorales (RN 1 et 2) pour les requalifier, selon les secteurs, en boulevards urbains, en routes-paysages ou en routes-parcs.
Globalement, ce macro-système quadripolaire est plutôt intéressant pour l’île, qui échappe ainsi à la concentration du développement et des déplacements sur un seul pôle, vécu par exemple par d’autres départements d’Outre-mer comme la Martinique.
Mais c’est bien dans ces macro-pôles que l’articulation entre espaces urbains ou à vocation urbaine et espaces agricoles ou naturels doit être particulièrement travaillée, dans des systèmes agri-urbains et naturels qui restent largement à inventer. Ces territoires méritent ainsi chacun de faire l’objet de solides plans de paysage et d’urbanisme spécifiques.
Ces quatre territoires correspondent aux pôles de l’armature urbaine prévus au SAR. Aujourd’hui étendus, ils représentent systématiquement plus qu’une commune ou un site urbain, marquant une extension par rapport aux territoires d’enjeux majeurs identifiés en 1994 dans l’étude paysagère de La Réunion (DDE-DIREN/Agence Folléa-Gautier paysagistes-urbanistes). Ainsi :
Pour chaque unité paysagère, ces photomontages proposent une évolution possible d’un ou de quelques sites, parmi d’autres devenirs envisageables. Ils ne reflètent pas une destination réelle projetée. En illustrant les recommandations générales qui figurent dans l’Atlas, ils affichent un objectif purement pédagogique.
Gestion agroécologique de la lisière.
Trame arborée créant une continuité entre les milieux et un refuge pour la petite faune.
Enfouissement des réseaux.
Signalisation de l’office de tourisme.
Ouverture vers la mer.
Voie partagée entre les piétons et les véhicules des riverains.
Restauration achevée du phare de Bel Air.
Gestion différenciée des espaces enherbés.
Chemin tondu pour accéder au bord de l’eau.
Perspective sur la cascade magnifiée par la végétation.
Plantations de bouquets de palmistes et arbres/arbustes apportant de l'ombre tout en préservant la vue dégagée sur la cascade.
Réduction de la largeur de chaussée.
Création de piste/bande cyclable.
Effacement des panneaux publicitaires envahissants et dégagement des vues sur le paysage.
Plantation d’arbres au-delà des fossés.
Gestion agroécologique des fossés.
Maîtrise des enseignes.
Requalification du bâti d’activité.
Désimperméabilisation des sols.
Gestion différenciée des espaces.
Terrasse et espace public ombragé.
Étalement urbain et artificialisation de terre agricole.
Habitat isolé.
Fragmentation des milieux et tènements agricoles.
Enfrichement des parcelles agricoles devenues résiduelles ou enclavées.
Construction banalisante.
Développement d’une agriculture maraîchère à proximité des lieux habités.
Densification de la trame arborée.
Densification bâtie en hauteur adaptée à la taille des arbres d’ombrage.
Installation de panneaux photovoltaïques.
Déconstruction des cases en zones à risques.
Travail sur la gamme colorée des façades et des toitures.
Connexions entre les espaces agricoles et les quartiers par des chemins piétons.
Enfouissement des réseaux.
Pieds de murs jardinés.
Accotements enherbés.
Travail de la gamme colorée des clôtures privées , les matériaux, l’accompagnement végétal.
Vue sur la mer dégagée et valorisée.
Réduction de la largeur de chaussée.
Création de piste/bande cyclable.
Plantation bande végétale cadrant au plus près la bande de roulement.
Pieds de clôtures plantés.
Enfouissement des réseaux.
Traversée piétonne prioritaire.
Plantations arborées apportant de l’ombre.
Désimperméabilisation du parking.
Gestion différenciée des espaces enherbés.
Enherbement des accotements.
Passage à à pied sec.
Fossé enherbé récoltant les eaux de ruissellement de la route.
Arrêt de bus valorisé en point de vue.
Plantation d’arbre pour mieux inscrire les serres dans le paysage, créer des continuités écologiques et éviter les effets de masse construite.
Enfouissement des réseaux.
Amélioration paysagère des équipements et surfaces techniques de gestion.
Pose de panneaux photovoltaïques.
Maintien ou déplacement des commerces en rez-de-chaussées de petits collectifs mixtes (habitat aux étages).
Densification en hauteur adaptée à la taille des arbres.
Harmonisation des couleurs des façades et toitures.
Plantations pour l’ombrage et la fraîcheur en milieu urbain.
Désimperméabilisation et unification de l’espace public par le sol.
Ouverture visuelle sur les bâtiments patrimoniaux et/ou publics.
Création de terrasses pour les commerces de restauration.
Stationnements minute.
Enfouissement des réseaux.
Gestion extensive par le pâturage : maintien de l’espace ouvert, réduction de l’enfrichement et du risque incendie.
Renforcement des lisière agri/urbaine par plantation d’arbres.
Création d’un sentier (corniche de l’ouest, liaisons hauts/bas).
Traitement coloré des façades.
Milieu humide restauré.
Lisière agri-urbaine renforcée.
Densification en hauteur adaptée à la hauteur des arbres.
Chemins piétons à travers le paysage agri-urbain, liaisons directes et éloignées du trafic.
Protection des points hauts contre l’urbanisation.
Fossés protecteurs des cultures.
Réduction des emprises routières.
Désimperméabilisation des sols.
Plantations pour l’ombrage et la fraîcheur en milieu urbain.
Densification en hauteur adaptée à la taille des arbres.
Enfouissement des réseaux, dégagement de la vue sur la cascade.
Pieds de murs plantés.
Réhabilitation des serres, définition d’une proportion de surface max entre surfaces en serres/ surfaces en pleine terre.
Plantation de haies bocagère et d’arbres isolés entre les parcelles.
Plantation de vergers sur les pentes.
Instalation de panneaux photovoltaiqiues (agrivoltaïsme). Définition d’une proportion de surface maximale agrivoltaïque /surface agricole pour chaque micro-unité de paysage.
Maintien d’une vue dégagée depuis le sentier de randonnée.
Accotement enherbé et chemin à pied sec.
Plantation d’un arbre isolé pour ombrager l’arrêt de bus.
Travail sur la gamme colorée des façades et toitures.
Élargissements ponctuels de la piste pour permettre le croisement.
Assombrissement de la voirie.
Création d’un fossé qui permettant d’éviter les sorties de route.
Plantation d’une trame bocagère.
Diversification de la lisière forestière.
Donner accès aux hauteurs du piton par un sentier de randonnée.
Travail coloré du bâtiment agricole.
Installation de panneaux photovoltaïques.
Remplacement de la mono sylviculture de Cryptomeria japonica par une activité pastorale (pâtures, prés de fauche).
Plantation d’une trame bocagère (protection des sols, biodiversité, qualité paysagère).
Boisement de feuillus mixtes (bois de couleurs).
Accès au sommet du piton par un sentier de randonnée.
Inscription du bâtiment agricole dans le paysage par la couleur et l’accompagnement végétal.
Installation de panneaux photovoltaïques sur toitures.
Plantation d’une trame bocagère en pied de piton.
Accès au piton forestier par un sentier de randonnée.
Inscription du bâtiment agricole dans le paysage par la couleur et l’accompagnement végétal.
Installation de panneaux photovoltaïques en toitures.
Habitat dispersé et fragmentation des milieux.
Urbanisation gagnant les reliefs.
Enfrichement de parcelle agricoles des parcelles agricoles devenues résiduelles ou enclavées.
Désenfrichement et développement d’une agriculture maraîchère à proximité des lieux habités.
Renforcement de l’activité pastorale notamment au pied des massifs.
Densification en hauteur proportionnée à la taille maximale des arbres.
Connexion entre les quartiers, les espaces agricoles et les massifs par des cheminements doux.
Diversification des boisements de Cryptomeria japonica.