Atlas / 4. Les unités de paysage / 1. Les pentes de Saint‑Denis
Les pentes de Saint-Denis, situées entre la Rivière Saint-Denis et la Rivière des Pluies, montent jusqu’à La Plaine des Chicots dominée par la Roche Ecrite culminant à 2276 m.
À l’ouest, le rempart de la Montagne et ses falaises littorales affirment le caractère peu franchissable de ce massif alors qu’à l’Est, la large embouchure de la rivière des Pluies se poursuit sur les pentes cultivées de Sainte-Marie. Trois ravines (Ravines du Butor, Ravine Patate à Durand et Ravine du Chaudron) découpent le territoire et ont façonné les grandes lignes de l’urbanisation.
Le littoral de Saint-Denis
Le relief peu marqué a favorisé le développement d’une ville à l’origine tournée vers la mer, pour les échanges maritimes et la vocation militaire défensive. On distingue ainsi la ville basse, le quartier de la Redoute et ses implantations militaires et la ville haute au plan quadrillé typique des villes coloniales. Contrainte par la morphologie de son site, la ville s’est peu à peu développée vers l’Est et les pentes.
Les pentes urbanisées de Saint‑Denis
Sur les pentes intermédiaires sont implantés de nombreux quartiers, profitant de la fraîcheur et des points de vue sur le littoral. Ils sont séparés les uns des autres par plusieurs ravines, dont trois principales : ravine du Butor, ravine Patates à Durand et ravine du Chaudron.
Les pentes boisées de Saint‑Denis
L’urbanisation devient plus éparse à partir de 700 m d’altitude et disparaît à partir de 1 000 m. Les hautes pentes de Saint-Denis et les remparts sont marqués par une végétation semi-sèche, occupant les espaces non urbanisés ou désertés par l’agriculture.
La plaine des Chicots
La plaine des Chicots s’étend en pente douce sur la tête Nord de la Roche Écrite, lande à branles, « l’avoune » de haute altitude.
La rivière des Pluies
L’imposante rivière des Pluies borde le site de Saint-Denis côté est, en transition avec les pentes de Sainte‑Marie. Son paysage joue un rôle majeur pour l’accueil à La Réunion, premier grand paysage de pente à s’offrir à la vue depuis l’aéroport de Gilot.
La rivière Saint‑Denis
Son énorme échancrure borde la ville côté ouest.
Une concentration de zones d’activités et commerciales à l’Est de la ville.
Le tissu dense des ravines. Des pentes urbanisées, organisées en quartiers.
Des pentes tenues par un imposant massif montagneux. Des lambeaux de forêts encore présents sur les pentes.
Un patrimoine architectural remarquable et fragile en centre-ville.
Des bourgs à l'ambiance fraîche dans les hauts.
Une ville « blanche » en damier régulier, dessinant des perspectives sur le grand paysage.
Pentes dominées par la Plaine des Chicot et entaillées par plusieurs ravines qui se déversent sur la plaine littorale. Les deux ravines majeures, la Rivière Saint-Denis et la Rivière des Pluies larges et échancrées marquent les limites Est et Ouest du massif. À l’ouest, la ville est cernée pat le rempart imposant de La Montagne.
Le massif forestier est dense et occupe les pentes hautes les plus raides.
Sur les pentes intermédiaires régulières, parcourues de voies en lacets, se sont développés des quartiers isolés les uns des autres par les ravines. L’absence de rupture franche entre la plaine et les pentes favorise une continuité d’urbanisation.
La ville est sillonnée par deux ravines majeures, Rivière Saint Denis et Rivière des Pluies, qui l’encadrent, et trois ravines structurantes, la Ravine du Butor, la Ravine des Patates à Durand et la Ravine du Chaudron.
Les deux grandes ravines pérennes qui délimitent l’unité sont de véritables corridors écologiques reliant les hauts et les bas dont l’intérêt régional pour la faune notamment piscicole et oiseaux marins est reconnu. Elles subissent les différentes perturbations : déversements de déchets, d’eaux usées et pluviales, défrichements, prélèvement d’eau et imperméabilisation des berges… Les rives dont la végétation est fortement dégradée assurent également un rôle fonctionnel pour la faune et la flore.
Les ravines majestueuses et structurantes (Ravine des Patates à Durand, Ravine du Butor, Ravine du Chaudron) qui sillonnent le massif ont été endiguées à leur embouchure afin de libérer des espaces urbanisables (quartiers de Vauban, Champ Fleuri, le Chaudron etc.). Les longs couloirs béton réalisés accentuent l’effet de coupure visuelle de ces ravines dans le territoire. Pourtant, ces embouchures sont traditionnellement les lieux d’usages variés, reliant les habitants à cette nature proche : pêche bichique, lavage du linge, baignade et lieu de détente, promenade sur les berges… Ce sont aussi des espaces de nature évolutifs au gré des eaux calmes ou tumultueuses qui les parcourent.
Plusieurs petits bras de ravines innervent les quartiers, en sillonnant discrètement dans le tissu urbain. Souvent canalisées et peu accessibles de façon continue, elles offrent un potentiel de sentiers et de trame paysagère peu valorisé.
Traversant la partie basse de la ville, les ravines canalisées qui ont été stérilisées favorisent les écoulements et le transfert rapides des déchets et polluants vers le littoral.
La Rivière Saint-Denis, dominée par le rempart de la Montagne met en scène la silhouette du centre-ville, qui se détache au sommet du rempart de Gasparin. La ville basse « le Bas de la rivière » forme un quartier d’habitation proche du centre. La position stratégique de la rivière a permis autrefois le développement d’activités artisanale variées puis industrielles. L’usine Bourbon est toujours présente en rive Ouest.
L’endiguement de la Rivière Saint Denis (2011) a permis de protéger des crues les zones urbaines environnantes La requalification des berges en liaisons douces a permis de poursuivre le dialogue entre la ville et le quartier et d’initier une promenade vers le littoral.
Les gorges étroites à l’amont du Pont Vin Sahn, offrent par les sentiers de randonnée une immersion nature étonnante à deux pas du centre-ville dans un paysage de rivière et de remparts, avec une végétation typique des cours d’eau pérenne. Sur les berges, des cases isolées et des cultures vivrières, alternent avec des espaces boisés et des bassins épars. Sur le parcours, le village de la Colline, isolé et niché au pied du rempart, est accessible au gré des crues de la rivière en été.
La rivière des Pluies se présente comme une ravine encore sauvage, paysage de torrent indomptable et de montagne, malgré la proximité de l’agglomération. Elle constitue le premier grand paysage de La Réunion qui s’offre avec force au nouvel arrivant depuis l’aéroport Roland Garros.
Les deux rives sont aujourd’hui occupées par un tissu urbanisé spontané marquant la fin de la grande ville, autrefois environnée de champs de cannes. Sur les berges, les bâtiments industriels très visibles durcissent l’ambiance de ce paysage très minéral.
Historiquement, la mer est la raison d’être de la ville de Saint-Denis dont la petite baie servait de rade aux navires marchands. Les transports en mer ont été supplantés par le CFR (Chemin de Fer de la Réunion), puis par la route sur un itinéraire qui est resté côtier.
Le littoral s’est ainsi réduit à une étroite bande entre la plage et la route nationale (RN1/RN2). Très exposé au vent et aux embruns, il est longé de berges érodées instables. Le sentier littoral, planté d’une végétation résistante de vacoas et manioc bord de mer, en fait un lieu fréquenté et attractif pour les sportifs (jogging, vélo) et promeneurs.
Le Barachois et plus particulièrement la Pointe des Jardins est un lieu de référence dans la ville. Cet espace public, en belvédère sur la mer, accueille visiteurs et promeneurs à l’ombre des grands arbres et au pied d’une batterie de canons. La piétonisation régulière du site lors d’événementiels conforte son attractivité.
Vers l’Est, des équipements davantage nuisibles y sont implantés, comme la décharge de la Jamaïque et la station d’épuration.
L’espace naturel littoral est très limitée, formé par une fine bande de végétation dont le cortège originel a été largement remplacé par des espèces indigènes plantées typiques du bord de mer (patate à Durand, manioc bord de mer, vacoas…). C’est ainsi que ces espèces halophiles (patate à Durand, vacoa…), en lien avec les plages de galets, ménagent des écosystèmes littoraux favorables à une faune spécifique dont quelques limicoles (petits échassiers) observés aux périodes favorables, en particulier au niveau des embouchures de ravines.
Le plan colonial en damier met en scène le paysage dans la perspective des rues en libérant des vues sur les pentes en amont et le littoral en aval. Le premier plan de la ville est le plan Paradis qui date de 1733. S’appuyant sur un axe préexistant orienté nord-sud, il fixe la structure en damier qui sera actualisée par le plan Guyomar de 1742, puis par le plan Bank en 1777 donnant sa trame définitive à la ville. Ce plan d’urbanisme simplifié avec des voies orthogonales et des ilots réguliers est caractéristique des principales villes de l’île (Saint-Pierre, Saint-Paul…) implantées sur la plaine littorale.
La ville est densément urbanisée, et offre peu de continuités écologiques pour la faune et la flore, à l’exception principalement des parcs et jardins arborés (espèces exotiques), pouvant constituer des milieux favorables à quelques espèces (oiseaux, insectes principalement).
L’implantation urbaine d’origine, limitée au cœur historique du fait des barrières naturelles des ravines, s’est prolongée progressivement vers l’Est le long du grand chemin (ancienne rue du Maréchal Leclerc). Vers l’Est, ce sont des quartiers plus récents, qui ont conquis les terres agricoles jusqu’à la Rivière des Pluies. Cette urbanisation peu composée de « banlieue » a formé de grands quartiers, Le Chaudron, Sainte Clotilde, Domenjod… dans un tissu hétérogène associant habitat, commerces, zones d’activités diverses et université. Le quartier de la technopole, plus récent, regroupe des activités tertiaires dans un cadre paysagé remarquable.
Le long des rues principales (RN2, Delattre de Tassigny et Rambaud) se concentrent les façades commerciales et artisanales. Les quartiers résidentiels à l’originaire pavillonnaire disparaissent progressivement au profit d’opérations de collectifs sans développement d’espaces publics associés.
La ville s’est également étalée sur le piémont, colonisant les pentes par des quartiers résidentiels isolés les uns des autres par le sillon des ravines.
Le processus de disparition du bâti traditionnel a été enrayé dès 1997 par une politique volontariste de réhabilitation du patrimoine. De nombreuses cases ont été restaurées dans le cœur de ville (rue de Paris, rue Jean Chatel…) par des acquisitions réalisées par les collectivités (Département, Commune, …) et un patrimoine privé. Saint-Denis a concentré ces dernières années de remarquables réhabilitations de villas et de monuments.
Attrait des façades et de leur balcon composant un ensemble de rues agréables, valorisées par une architecture réhabilitée en centre-ville.
Les rues étroites du centre-ville composées de cases à l’architecture traditionnelle forment la façade commerciale. Ponctuellement, derrière un barreau (clôture créole), apparait un jardin luxuriant devant une élégante case traditionnelle. Du jardin, émergent les silhouettes végétales imposantes des arbres participant à l’ambiance de la rue et à l’ombrage des trottoirs. Les manguiers deviennent à ce titre de précieux sujets, dans une ville tropicale dense aux rues rarement arborées.
L’extension urbaine des pentes s’intensifie et de nombreuses opérations isolées de collectifs remplacent peu à peu les cases avec jardins. La disparition de l’environnement paysager et les constructions plus monumentales favorisent le durcissement du paysage des pentes, malgré la douceur des berges boisées des ravines.
L’urbanisation de la ville se répand sur les pentes sans répondre à un plan de composition global : les vues sur le grand paysage disparaissent depuis les voies de liaison, le bâti peu inséré forme des écrans visuels, la qualité de vie des espaces extérieurs s’étiole par l’absence de jardins, de liaisons douces et d’espaces de proximité…
Sur les pentes plus hautes, le bâti plus épars, et la nature plus présente préservent l’authenticité des bourgs.
Les espaces agricoles deviennent très rares au vu de la forte pression de développement de la capitale régionale. On les trouve principalement sur le plateau de La Montagne et sur les pentes Est de la ville en bordure haute de la rivière des Pluies et de la Rivière du Chaudron (Domenjod, La Bretagne, Belle vue, Hauts de Bois Nèfles…).
La canne et les cultures maraîchères et ornementales prennent place sur de belles terres convoitées ces dernières années par l’urbanisation. Ces terres sont perceptibles par les larges parcelles vert tendre qu’elles offrent au regard lointain. La cascade du Chaudron, haute d’environ 400 m, s’inscrit dans ce un paysage naturel, visible depuis les quartiers Est de Belle Vue, Bois de Nèfles et la Bretagne.
Les espaces agricoles, de plus en plus réduits, sont globalement peu propices au développement de la faune et la flore, mais peuvent constituer des milieux favorables à quelques oiseaux (cailles, Papangue…). Grignotées par l’urbanisation des pentes, elles sont repoussées vers les hauteurs des différents quartiers, tels que la Bretagne ou Bois de Nèfles, pouvant interférer avec les milieux naturels plus remarquables.
Brouillard, pluies et fraîcheur alternent avec les matinées ensoleillées des bourgs des hauts, favorisant ainsi la luxuriance végétale des bourgs des hauts : bourgs de St-François, Le Brûlé, Bois de Nèfles, Belle vue.
Depuis le bord de route, les jardins colorés des cases traditionnelles se font rares et les murs de bambous forment un écran régulier. La tendance est à l’urbanisation continue le long des voies en lacets avec de rares espaces de respiration.
Au-dessus de 800 m, la forêt apparaît, offrant des zones naturelles remarquables avec plusieurs départs de randonnées en direction de la Roche Écrite (secteur du Brûlé ou Bois de Nèfles et la Montagne). Les forêts humides d’altitude abritent le tuit-tuit, oiseau rare, menacé et endémique, vivant exclusivement dans le couvert du versant Nord de la Roche Écrite.
La Plaine des Chicots. Le sommet La Roche écrite constitue l’aboutissement de l’une des plus belles randonnées situées dans les hauteurs de l’île. Sa particulier réside notamment dans la succession écologique bien conservée selon un gradient altidudinal des forêts humides de moyenne altitude à l’étage alti-montain. De plus, elle offre un point de vue saisissant sur deux cirques de manière simultanée : le cirque de Salazie et celui de Mafate.
La végétation appartient à l’étage alti-montain, caractère remarquable des milieux naturels de La Réunion. Cette végétation éparse de haute altitude est à dominance de landes à branles (bruyères endémiques) appelées « avoune », en mosaïque avec des dalles basaltiques ou zones humides. Ainsi, il s’observe quelques mares, favorisant le développement de joncs, sphaignes et graminées. Au fur et à mesure que l’on s’élève, la végétation se raréfie, la roche volcanique est à nu, marquée par l’érosion (failles, vallons).
La Plaine des Chicots, située en zone cœur de Parc National, abrite un écosystème riche, diversifié et fragile. Elle est le dernier refuge du très rare Tuit-Tuit, une espèce d’oiseau endémique menacée de disparition. La variété des ambiances de cette sous-unité est liée à l’expression de variations pédoclimatiques, édaphiques, topographiques et anthropiques où les forêts les plus proches de la zone urbaine sont issues des pratiques forestières et de la pression accrue des espèces envahissantes.
Les parcours associent les déplacements doux et également une pratique deux roues loisirs de plus en plus présente dans la ville. La connexion avec le sentier littoral Nord est vers Sainte Marie est aisée.