Atlas / 5. Les processus, enjeux et orientations thématiques / Les valeurs paysagères clefs de La Réunion
Les valeurs paysagères clefs de La Réunion
Introduction :
puissance des transformations des 70 dernières années
Les valeurs paysagères clefs de La Réunion
Les paysages de l'eau douce
Les paysages du littoral
Les paysages de nature
Les paysages agricoles
Les paysages de l'habitat
Les paysages des mobilités
Les paysages des énergies
Les paysages des activités et équipements
Synthèse : les enjeux majeurs de paysage
Les valeurs paysagères clefs de La Réunion
Une diversité et des contrastes uniques au monde
Des fragments du monde ramassés sur un confetti
Objectivement, La Réunion, avec sa modeste superficie de 2 512 km2, est bien petite et isolée.
Sur le globe, elle n’est qu’une poussière perdue dans le sud de l’Océan Indien à 800 km à l’est de Madagascar, tout juste accompagnée de son île sœur, l’île Maurice.
Si on la dessine aux côtés de l’hexagone — qui n’est pas un très grand pays à l’échelle mondiale ! —, elle y forme à peine une modeste petite tache, couvrant moins de la moitié d’un département de métropole.
Pourtant, pour qui découvre La Réunion, l’île paraît grande ; beaucoup plus grande que ce qu’en indique le compteur de kilomètres carrés. Elle recèle une telle diversité de paysages, de tels contrastes d’ambiances, que son parcours donne l’impression de découvrir plusieurs pays. Elle forme comme un patchwork de miettes de continents miraculeusement rassemblées en une poussière d’île : des plaines douces et vertes de canne à sucre, comme aux Caraïbes, des savanes lumineuses comme en Afrique de l’est, des canyons vertigineux à l’Américaine, un volcan actif au-dessus de forêts vierges, comme en Indonésie, des landes à ajoncs comme en Auvergne, des côtes sauvages et rudes, surprenantes, et des plages tropicales alanguies, conformes aux cartes postales. Avec la Plaine des Sables, La Réunion semble même avoir décroché un morceau de lune, … ou de Mars !
Cette diversité contrastée des paysages est une force, une valeur fondatrice pour La Réunion, peut-être la valeur paysagère n°1 de l’île ; valeur paysagère au sens plein du terme, qui est donc aussi sociale, économique et patrimoniale.
Valeur sociale : un cadre de vie particulièrement appréciable
Pour les habitants, La Réunion offre un cadre de vie particulièrement appréciable dans un contexte géographique à la fois petit et isolé, où les échappatoires imposent de coûteux déplacements en avion, inaccessibles à une bonne part de la population. Une population qui sait profiter de cette richesse, et change volontiers d’univers en restant sur l’île, le temps des vacances, d’un week-end ou d’un simple pique-nique : un jour au bord de la mer, un autre dans la fraîcheur des hauts, un autre encore dans le cirque vert de Salazie, ou dans le cirque lumineux de Cilaos, etc. Le choix est vaste, simplement limité par les capacités d’accueil des gîtes, chambres et tables d’hôte, largement pris d’assaut tout au long de l’année. À La Réunion, la valeur des paysages est aussi une valeur sociale.
À la croisée des champs économique et social, les loisirs, considérablement développés au cours des dernières années, où la population est devenue à la fois plus nombreuse et plus urbaine, utilisent largement la diversité des situations paysagères offertes par l’île : plongée sous-marine à proximité de la barrière de corail, canyoning dans les ravines, surf dans les bons spots de vagues puissantes et longues, delta plane à la cassure des cirques, parapente sur les planèzes, randonnée et course à pied en montagne… Les paysages de l’île, avec leur diversité, offrent autant de terrains de jeux – pour le meilleur et pour le pire.
Valeur économique : une attractivité touristique puissante malgré l’isolement et l’éloignement
Pour les touristes et les visiteurs, la diversité contrastée des paysages est une motivation essentielle pour se décider à s’offrir un séjour de 1, 2 ou 3 semaines dans l’île. Sans cette séduction de paysages aux mille facettes, comment espérer attirer un tourisme autre que d’affinités à La Réunion, dans une situation aussi isolée et lointaine, à près de 10 000 km de la métropole ? Mais, au-delà du tourisme, le développement économique par les entreprises est aussi pour une part tributaire de la qualité paysagère : une motivation pour s’implanter et se développer à La Réunion. La valeur des paysages réunionnais est ainsi également une valeur économique. Une valeur vénale en quelque sorte, difficile à chiffrer mais majeure pour l’économie de l’île : la fréquentation touristique a augmenté de 41% entre 1995 et 2000 et, cette année-là, le secteur tourisme devient la première source de richesse, avec 320 millions d’euros. Malgré les crises qui ont suivi (chikungunya en 2006, crise requin à partir de 2011, COVID en 2020), la tendance haussière se poursuit, avec près de 500 000 visiteurs extérieurs en 2022, un niveau qui se rapproche du pic de 2018 (574 000 visiteurs, 432 M€ de recette).
Valeur patrimoniale culturelle : le melting-pot réunionnais
Culturellement, La Réunion, creuset de populations formidablement diverses, a vu ses paysages façonnés par des peuples qui ont contribué à sa diversité tout au long de son histoire : les domaines sucriers des plantureux bas de planèzes, tenus par de grands propriétaires, les hauts habités et cultivés par les « petits blancs », le cœur de l’île investi par les noirs marrons et aujourd’hui habité en îlets, les pâturages secs à cabris et bœufs moka gérés par des bergers malgaches, les commerces indien, européens et chinois, les églises catholiques, les temples tamouls et les mosquées musulmanes… : la diversité des paysages est bien fille de la diversité culturelle et ethnique de l’île : jusqu’aux platanes des ingénieurs de métropole, que l’on voit encore sur certains tronçons de routes !
Valeur patrimoniale naturelle : un hotspot mondial de bio-diversité
Naturellement, La Réunion offre un patrimoine faunistique et surtout floristique inestimable, aujourd’hui assez bien connu et reconnu, dont témoignent les dispositions de protections prises à vaste échelle en particulier la création du Parc national de La Réunion et l’inscription à l’UNESCO des “Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion”.
Des paysages spectaculaires, très perceptibles et appropriables
Des paysages particulièrement spectaculaires et puissants
Ce n’est pas un hasard si La Réunion a été un temps promue pour le tourisme comme « l’île à grand spectacle. » La puissance des paysages de La Réunion est d’abord liée à celle de ses reliefs : ils dépassent les 3 000 m d’altitude au Piton des Neiges alors même que ce dernier se trouve à moins de 20 km de la côte ; quant au Piton de la Fournaise, à 2600 m d’altitude, son cratère se trouve à moins de 9 km de l’océan. Ce surgissement puissant de l’île volcanique au-dessus de l’océan est évidemment favorable à la forte présence de la montagne (les Hauts) dans le paysage perçu et vécu à La Réunion. Mais la dimension spectaculaire est surtout liée à d’autres raisons :
- Le Piton de la Fournaise a la bonne idée d’être un des volcans les plus actifs du monde, sans être trop dangereux (il est du type hawaiien et non strombolien). Il n’est donc pas si rare de pouvoir assister au spectacle son et lumière de la nature, l’un des plus forts que l’on puisse vivre ; même sans éruption, le volcan offre par lui-même une exceptionnelle diversité de paysages contrastés, scénographiés au fil de la route qui mène des plantureux et verts pâturages de la Plaine des Cafres au désert sombre et austère de la caldera basaltique qui s’ouvre au Pas de Bellecombe. Entre ces deux extrêmes, des landes aux tonalités bronze, une Plaine des Sables rougeoyante qui renvoie irrépressiblement aux images satellitaires de Mars, des à-pics vertigineux sur la rivière des Remparts en contrebas, des cratères éteints, et le jeu mouvant des nuages pour maintenir le suspense sur les vues qui s’ouvriront ou pas.
- Les trois cirques d’effondrement : Mafate, Salazie et Cilaos, déblayés par leur rivière (rivière des Galets, du Mât et Bras de Cilaos), forment chacun des mondes à part, incisés profondément en creux dans la montagne, dominés par des remparts qui peuvent atteindre 1000 m de hauteur. Ils constituent des mondes chaotiques et dramatiques de ravines, de pitons et de quelques miraculeux replats, les îlets, comme suspendus dans les airs et miraculeusement habités. La présence de ces mondes en creux est d’autant plus spectaculaire qu’elle est inattendue, interrompant brutalement les longues montées des planèzes extérieures ouvertes sur l’océan. On peut assez facilement les découvrir d’en-haut, en de vertigineux à-pics qui constituent autant de célèbres points de vue, dont le plus renommé est le Maïdo, une plongée verticale dans les bleutés profonds et silencieux de Mafate. Mais, pour Salazie et Cilaos du moins, on peut aussi les découvrir par des routes, qui là encore contribuent à la dimension spectaculaire de l’île : à Salazie par la majesté de son entrée dominée de très hauts remparts tapissés de verdure et striés de cascades blanches ; à Cilaos par l’exploit tout en épingles à cheveux de la RN 5 se frayant un passage improbable et vertigineux à travers tout le cirque ;
- Comme un pivot, dominant tout le paysage des trois cirques, le Piton des Neiges trône en majesté, isolé par les érosions profondes à ses flancs ; il ne constitue pas la silhouette la plus spectaculaire de La Réunion, mais sa hauteur, magnifiée par la verticalité de ses parois, impressionne ; et lui aussi est pourtant accessible à pied pour les randonneurs ;
- De grandes et profondes ravines s’ajoutent aux cirques pour découper les hauts reliefs en des creux aussi vertigineux et surprenants. On peut facilement les découvrir par le haut, offrant là encore des vues d’avion impressionnantes, mais aussi par le bas en cheminant dans les fonds tapissés de galets et rochers. Les plus vastes - rivière Langevin et rivière des Remparts, Bras de la Plaine, rivière des Marsouins, rivière des Pluies et rivière Saint-Denis, ravine des Lataniers -, constituent des mondes en soi isolés du restant de l’île : naturels et sauvages, mais aussi, et de façon surprenante et émouvante, habités. A des échelles plus réduites, des centaines de ravines incisent les pentes et constituent autant de micro-mondes sauvages et beaux de falaises, chaos rocheux, cascades et bassins, comme des fragments perdus de nature virginale ;
- Des pitons aux belles formes singulières contribuent eux aussi à dessiner des paysages spectaculaires. Chaque cirque en dispose : le piton Cabris dans Mafate et le piton d’Anchaing à Salazie, tous deux en pains de sucre ; la chaîne de Peter Booth dans Cilaos, tout en dentelle ; la belle pyramide du Cimandef entre Salazie et Mafate ; les trois Salazes dressées sur le col du Taïbit entre Mafate et Cilaos, le Morne de Fourche dans les flancs du Piton des Neiges… Ils s’offrent comme des repères et des points de mire dans les reliefs chaotiques et fantasques des cirques ; on en retrouve d’autres ailleurs dans l’île, anciens cônes volcaniques arrondis qui émaillent par exemple la plaine des Cafres, les pentes du sud vers Petite Ile et Saint-Joseph, les pentes de Sainte-Anne, ou encore le secteur de Piton Saint-Leu et des Avirons.
- Le spectacle est aussi végétal, mis en scène sur les remparts parfois couverts de végétation, où s’accrochent encore ponctuellement d’élégants palmistes ou fougères arborescentes aux silhouettes aisément reconnaissables ; le spectacle est plus mystérieux dans la forêt primaire de Bébour Bélouve et dans les forêts des hautes pentes de l’île : prises dans les nuages (on parle de forêts des nuages), enchevêtrées d’essences multiples, barbues de lichens et d’épiphytes, il y règne une extraordinaire ambiance d’aube du monde.
- Le littoral offre sa part de spectacle. En étant battues par le puissant Océan Indien, les côtes rocheuses noires de basalte, au sud en particulier, contrastent puissamment avec le bleu de l’océan et le blanc de l’écume ; des souffleurs forment comme des geysers lorsque les vagues rentrent dans les rochers ; la mer offre son spectacle sous-marin aux plongeurs, et à tout public lorsque les baleines croisent près des côtes ;
- Spectaculaires aussi sont les ouvrages des Hommes pour franchir tous ces reliefs difficiles : aux routes des cirques déjà citées s’ajoute celle du Littoral, et notamment la NRL (nouvelle route du littoral) appelée à se dérouler dans la mer, au pied des hautes falaises de la Montagne entre Saint-Denis et la Possession ; mais également la Route des Tamarins, en balcon sur l’ouest et piquée d’ouvrages d’art exceptionnels ; et avant elles la ligne du CFR (chemin de fer de La Réunion), en ruine mais qui a laissé de beaux ouvrages de basalte et de fer.
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Enfin le spectacle est total lorsque les amples pentes vertes et cultivées de l’île s’ouvrent aux bleutés des hauteurs découpées comme de l’océan lissé, dans les lumineux contrastes des matins, avant que les nuages tirent le rideau. C’est tout un continuum qui relie alors les trésors de l’île dans des paysages agricoles qui relient le battant des lames au sommet des montagnes.
La dimension spectaculaire des paysages réunionnais est aujourd’hui explicitement reconnue comme valeur universelle exceptionnelle par l’UNESCO (DVUE 2010) :
- Brève synthèse :« Dominé par deux pics volcaniques imposants, des murailles massives et trois cirques bordés de falaises, le bien présente une grande diversité de terrains accidentés et d’escarpements impressionnants, de gorges et de bassins boisés qui, ensemble, créent un paysage spectaculaire. »
- Critère (VII) : « L’association du volcanisme, des glissements de terrain d’origine tectonique, et de l’érosion par les fortes pluies et les cours d’eau a donné un paysage accidenté et spectaculaire d’une beauté saisissante, dominé par deux volcans, le Piton des Neiges qui est endormi et le Piton de la Fournaise qui est extrêmement actif. Parmi les autres caractéristiques principales du paysage, il y a les « remparts » – des murailles rocheuses escarpées d’âge et de nature géologiques variables et les « cirques » que l’on peut décrire comme des amphithéâtres naturels massifs dont la hauteur et la verticalité sont vertigineuses. »
Des paysages généreusement offerts au regard
La richesse de La Réunion en paysages est renforcée par le caractère très perceptible de ces derniers. La forte présence visuelle des grands paysages de l’île est bien sûr liée à la puissance des reliefs : partout ils s’affichent à la faveur des pentes des planèzes, des sommets découpés en mornes et en pitons, des cassures des remparts, ou du creusement des ravines. Il n’existe aucune partie de l’île qui soit à la fois suffisamment plate et grande pour faire « oublier » le grand paysage. Même sur les grandes plaines littorales — celle du Port et de Saint-Paul, celle de Saint-André, celle du Gol —, les pentes s’affichent en toile de fond, parfois de façon particulièrement précieuse et spectaculaire à la faveur du débouché des grands exutoires des cirques : l’échancrure de la rivière des Galets vers Mafate, celle de la rivière du Mât vers Salazie et celle, plus grandiose encore, de la rivière Saint-Etienne et de ses deux bras vers Cilaos, composent parmi les paysages de planèzes les plus spectaculaires de l’île. Quant aux plaines d’altitude, elles sont toujours liées à des reliefs marquants qui les bordent ou qui les ponctuent, et qui contribuent de façon majeure à la valeur des paysages qu’elles offrent : les remparts de la plaine des Palmistes, les pitons de la plaine des Cafres.
Les routes les plus banales, pour peu qu’elles échappent à l’urbanisation linéaire, deviennent très facilement des déambulatoires remarquables pour mettre en scène le paysage, celui des pentes et des sommets comme celui du littoral.
Mais la plupart de ces grandes ouvertures paysagères, dans le paysage quotidiennement habité et circulé, est offert par les espaces agricoles, qui offrent les précieux et indispensables espaces de respiration, dégageant les horizons aussi bien vers les hauts que vers le littoral. Si, de mars à juillet, la canne atteint facilement 3 m de hauteur et cache les vues, la diversification des cultures crée des ouvertures bénéfiques à la perception et à la richesse paysagères.
Des paysages généreusement offerts aux usages
La diversité des paysages ouvre à des usages variés, entre loisirs urbains, littoraux ou montagnards. En termes d’appropriation, la nature départemento-domaniale de près de la moitié de la superficie de l’île facilite grandement la découverte et la pratique des paysages. L’énorme travail d’ouverture et d’entretien des sentiers par l’ONF, le Département, le Parc national, rendent très accessibles les hauts, pour peu que les jambes suivent.
Une myriade de sites qui enrichissent encore les paysages : la diversité des échelles
Les unités et sous-unités de paysage, aussi précises soient-elles, ne peuvent refléter pleinement la richesse paysagère de La Réunion. À des échelles beaucoup plus fines, des sites multiples complètent la palette des paysages. Ils ont un caractère historique et/ou naturel. Beaucoup sont reconnus et les guides touristiques concentrent presque exclusivement l’attention de leurs lecteurs sur eux. Leur densité est exceptionnelle. Voici par exemple ceux qui sont cités dans le Guide du Routard (hors sites et monuments urbains) ; on peut les classer en sept catégories :
Les sites liés à l'eau douce, très nombreux
Les ravines en général, et les bassins et cascades en particulier, dont notamment : la cascade Maniquet, le Bassin la Paix, le Bassin la Mer, Bassin Bleu, Bassin Mangue, (rivière des Marsouins), îlet Bethléem, Grand Etang, les bassins de la rivière Sainte-Suzanne, la cascade du Niagara, le Voile de la Mariée, Mare à Poules d’eau, Ilet à Vidot, source Manouilh, la ravine Saint-Gilles avec ses bassins successifs et sa canalisation, la ravine Bernica, la rivière Langevin et sa cascade sous Grand Galet (Bassin des Anguilles), le Trou de Fer, la cascade de Bras Rouge, le Piton de l’Eau et d’innombrables autres sites de ravines que l’on découvre à la faveur des sports d’eau vive ou de la randonnée.
Les sites littoraux
Les points de vue
Les sites volcaniques
Les anciens domaines
Les cimetières
Les sites botaniques et agricoles
Jardin de la CAHEB (plantes à parfums), maison de Laurina (café), Labyrinthe en Champ Thé (thé), maison du Curcuma (épices), Far far de Besaves (canne, vétyver), jardin des parfums et des épices (Saint-Philippe), jardin de l’Etat, jardin d’Eden, sentiers botaniques (ND de la Paix, Mare Longue, Roche Merveilleuse, …), jardin du café grillé, etc. Des sites gérés en permaculture se sont également développés sur le territoire illustrant l’intérêt des pratiques d’agroforesterie sur l’île, le jardin de Paulo, Les jardins Fond Imar, La ferme urbaine du Tampon, etc.
Des paysages et des milieux naturels exceptionnellement riches en biodiversité
Le caractère isolé et insulaire de La Réunion a été favorable au développement d’une flore et d’une faune endémiques, constitutives d’ambiances singulières et de qualités paysagères diversifiées, reconnues au niveau monidal à travers l’inscription UNESCO des pitons, cirques et remparts :
« On trouve, dans le bien, des gorges profondes, partiellement boisées et des escarpements, avec des forêts ombrophiles subtropicales, des forêts de brouillard et des landes, le tout formant une mosaïque d’écosystèmes et de caractéristiques paysagères remarquables et très esthétiques ». Extrait de la Valeur universelle exceptionnelle du Bien « Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion » – Critère (VII)
« Critère (X) : Le bien est un centre mondial de diversité des plantes avec un degré d’endémisme élevé. Il contient les derniers habitats naturels les plus importants pour la conservation de la biodiversité terrestre des
Mascareignes, y compris une gamme de types forestiers rares. Compte tenu des impacts importants et partiellement irréversibles de l’homme sur l’environnement dans l’archipel des Mascareignes, le bien est le dernier refuge pour la survie d’un grand nombre d’espèces endémiques, menacées et en danger. »
« Un certain nombre de milieux naturels offre également des qualités esthétiques, liées soit à une ambiance, soit à une architecture remarquable, soit à des espèces, soit tout simplement à des formes.
La végétation altimontaine et les forêts de bois de couleurs des hauts sont souvent enveloppées par le
brouillard ou les nuages caractéristiques des hautes terres. Cette région de « Nebelwald » est attractive pour les Réunionnais avides de « changement d’air ». Les constructions végétales sont estompées ; les regards ne portent guère loin, d’où une sensation recherchée d’intimité avec un « coin » de la nature.
Parmi les architectures les plus appréciées se situent les forêts à fanjans dominants (col de Bellevue, en amont de la Plaine des Palmistes). Les livrées différentes, et discrètes, des mahots en pleine floraison, sont également remarquées.
La végétation altimontaine, disséminée sur les lapillis de la Fournaise, est à la fois surprenante et attractive : elle contribue à cet aspect « lunaire » que lui attribuent les visiteurs. »
Dossier de candidature des Piton, cirques et remparts de l’île de La Réunion, PN de La Réunion, 2008.
Parmi les paysages végétaux les plus originaux, se dégagent la forêt basse à Tamarin des hauts (Acacia heterophylla), les fougeraies-cycadaies, les pandanaies et pandanaies-palmeraies sous climat hyperpluvieux.
Une épaisseur et une temporalité précieuses des paysages
La Réunion, aussi petite qu’elle soit, ne se donne pas à voir et à parcourir d’un coup. L’ampleur des reliefs et les coupures qu’ils occasionnent allongent les temps de parcours. Les reliefs démultiplient aussi les possibilités de randonnées et de visites. Mais surtout ils offrent une intériorité à l’île grâce aux cirques et aux profondes ravines, qui la valorise considérablement. Cette épaisseur de La Réunion se renforce avec son rythme quasi quotidien des nuages qui apparaissent en fin de matinée, masquent les hauts l’après-midi, et disparaissent mystérieusement la nuit pour laisser place à de lumineux débuts de journées. Quant à la saisonnalité, si elle n’est pas aussi étendue en variété qu’en climat tempéré, elle contribue néanmoins à rythmer les paysages entre saison sèche et saison des pluies, que révèlent les changements de végétation à travers feuillages (caducs sous climat sec de l’ouest, ou changeant de couleur de façon spectaculaire comme la graminée dominante de la savane, Heteropogon contortus), fleurs (comme les floraisons des flamboyants, des jacarandas, mais aussi, en milieu naturel, des mahots et plus globalement des bois de couleurs) et fruits, comme les letchis qui marquent Noël (été austral) et les goyaviers qui annoncent l’hiver.
Cette épaisseur de l’espace et du temps de La Réunion est combattue par la recherche de mobilités toujours plus rapides, au risque de « réduire » l’île. Habiter une île qui nécessite du temps devrait plutôt inciter à démultiplier les centralités de vie locales plutôt qu’à les aspirer et les concentrer. C’est un des enjeux du SAR (schéma d’aménagement régional) que de déterminer ces équilibres.
Une civilisation végétale
La diversité des cultures rassemblées dans le melting-pot réunionnais a rencontré la diversité naturelle pour construire une civilisation végétale insuffisamment connue et reconnue. Elle saute aux yeux pourtant dès lors que l’on observe les modes de vie traditionnels et que l’on discute avec la population. Les plantes jouent un rôle social considérable qui se lit toujours dans le paysage : soin du jardin, échanges de boutures, prélèvement d’écorces pour les « tisanes », vitalité des marchés, fierté de la cuisine locale, débordement des balcons… et autrefois, il n’y a pas longtemps, constructions en paille, vétyver, lataniers, bambous et bois. Ce n’est qu’avec l’énergie fossile, abondante et pas chère, que les logiques du béton et du tout-voiture ont affaibli cette culture végétale dans la vie des Réunionnais. La lutte et l’adaptation au changement climatique, qui invitent à sortir de ces énergies fossiles, redonnent sens aux savoirs et savoir-faire en la matière : nature en ville, lutte contre les îlots de chaleur urbains, climatisation et ombrages naturels, circuits de proximité pour l’alimentation et la construction…