Atlas / 5. Les processus, enjeux et orientations thématiques / Les paysages des énergies
5. Les processus, enjeux et orientations thématiques
Introduction :
puissance des transformations des 70 dernières années
Les valeurs paysagères clefs de La Réunion
Les paysages de l'eau douce
Les paysages du littoral
Les paysages de nature
Les paysages agricoles
Les paysages de l'habitat
Les paysages des mobilités
Les paysages des énergies
Les paysages des activités et équipements
Synthèse : les enjeux majeurs de paysage
Les paysages
des énergies
Processus
Émergence de nouveaux paysages ?
Le projet “Grenelle de l’Environnement à La Réunion : Réussir l’Innovation” (GERRI) né en 2007, visait le développement durable de La Réunion, département d’outre-mer français et région ultrapériphérique de l’Union européenne. Ce projet de coopération avec l’État, le Conseil Régional et le Conseil Général, avait pour objectif de faire de l’île, « un modèle en matière de production et de consommation d’énergie à l’horizon 2030 » pour répondre aux questions de déplacement, démographie, adaptation aux changements climatiques et entre autres l’aménagement du territoire. Cependant, des remises en cause politiques et la difficile maturation économique des projets phares de l’époque (énergie marine, énergie hydraulique et biomasse) ont essoufflé la démarche. (Source Témoignage 23/01/2012).
Et pourtant, à La Réunion comme ailleurs, le réchauffement climatique est en marche. Les températures augmentent depuis 50 ans, du fait d’émissions mondiales de gaz à effet de serre en constante hausse. Sur l’île, la grande majorité de ces émissions provient de la consommation d’énergies fossiles (+ 60 % entre 2000 et 2019) pour se déplacer ou pour produire de l’électricité. Afin de limiter l’impact des activités humaines sur le climat, La Réunion s’est lancée dans la transformation de son mix électrique. L’objectif est qu’à court terme, l’électricité provienne uniquement d’énergies renouvelables en supprimant le recours aux énergies fossiles pour diminuer notablement l’émission de gaz à effet de serre. Le recours aux transports collectifs, l’émergence des véhicules électriques ainsi que le développement de modes doux, vont dans le même sens. Pendant la crise sanitaire du COVID, la diminution des déplacements a limité les émissions de gaz à effet de serre.
Dans les faits, la tendance de la part des énergies renouvelables était à la baisse jusqu’en 2021, depuis les années 1980 lorsque l’essentiel de l’électricité consommée à La Réunion provenait des centrales hydroélectriques. Cependant, aujourd’hui, 38,5% de l’électricité consommée provient d’énergies renouvelables. Cette part devrait passer à près de 60% en 2023 et à plus de 99% dès 2024.
L’insularité induit une forte dépendance en matière d’approvisionnement énergétique. Malgré un taux important d’énergie renouvelables en 2018, l’île de La Réunion est dépendante de l’extérieur pour ses ressources à hauteur de 87,2 %. Les ressources fossiles importées proviennent en grande partie de la zone asiatique pour les carburants et d’Afrique du Sud pour le charbon. En 2018, la production électrique est de 2 958,9 GWh soit 254,4 ktep provient pour 63,5 % des énergies primaires fossiles (pétrole et charbon) et 36,5 % des énergies renouvelables. À La Réunion, la part des énergies renouvelables est fortement liée aux productions annuelles à partir de l’hydraulique, du photovoltaïque et de la bagasse, qui varient en fonction de la météorologie (pluviométrie et ensoleillement). L’autoconsommation est à la hausse. En 2018, pour la première année, une partie de l’électricité a été produite à partir de bioéthanol lors des essais de la nouvelle turbine à combustion d’Albioma à Saint-Pierre, mise en service industriellement en février 2019.Le fioul et gazole sont les variables d’ajustement par rapport aux autres sources d’énergies : la production d’énergie renouvelable ayant augmenté et la consommation diminuée, la production électrique à partir des énergies fossiles a donc diminué.
« Pour l’île de La Réunion, très dépendante des énergies fossiles et zone non interconnectée à un réseau continental d’électricité, l’objectif est de maîtriser les consommations d’énergie et de répondre à ses besoins par le développement des énergies renouvelables. Le territoire ne manque pas de ressources renouvelables (soleil, eau, vent, mer) dont il s’agit d’optimiser l’utilisation. L’enjeu consiste à se libérer des combustibles fossiles, ce qui aura pour effet de réduire les émissions de gaz à effet de serre. La Réunion doit, en matière d’énergie, passer d’un statut de territoire d’expérimentation à celui de territoire créateur de richesses et d’emplois mettant en œuvre des solutions technologiques pouvant être diffusées partout à travers le monde. » (Extrait du PPE2 Programmation pluriannuelle de l’énergie de La Réunion 2016-2023).
Cela passe par les priorités suivantes :
- Massifier le développement des ENR les plus matures :
- Convertir les centrales charbon à la biomasse ;
- Convertir les centrales fioul au biocarburant ;
- Accroître le rythme de développement du PV au regard des prix de production très compétitifs constatés aux derniers appels d’offres.
- Soutenir les ENR d’avenir (énergies marines, éolien off-shore, géothermie, gazéification, méthanisation, etc.) par le biais d’appels à manifestation d’intérêt, de programmes de recherche, de développement, etc.
- Limiter le recours au parc thermique fossile en fonction du réel besoin de flexibilité, dans des conditions environnementales et économiques satisfaisantes et privilégier les solutions d’effacement pour piloter l’équilibre offre-demande.
Les équipements isolés existants
Les équipements isolés existants concernent principalement les centrales thermiques (Usines du Gol, de Bois Rouge, EDF le Port) et hydroélectriques de l’île (usine de Takamaka).
A l’horizon 2023, les trois centrales thermiques utilisent 100 % de biomasse pour la production d’électricité, soit Bois Rouge, Le Gol et EDF PEI au Port. Pour la conversion des centrales Albioma, du « charbon » à la biomasse, la priorité est portée sur la valorisation de la ressource locale, avec des compléments d’importation de granulés de bois ou plaquettes de bois. Pour la conversion de la centrale EDF PEI du fioul lourd à la biomasse liquide, le combustible utilisé répondra aux critères de durabilité de la ressource. Dans le paysage local, ces mutations peuvent générer ponctuellement des ouvrages atypiques.
Dans le domaine hydroélectrique, l’évolution concerne l’optimisation des équipements existants et la maintenance durable des installations avec un impact sans doute réduit sur les paysages existants.
Les équipements groupés installés dans le paysage
Les projets innovants d’énergie renouvelable
Le SREMER (Schéma Régional des Energies de la mer) 2018 qui actualise le SREMER de 2009 vise à éclairer les décideurs sur le potentiel de développement des énergies marines à La Réunion et sur les pistes d’actions. L’état des lieux souligne le grand foisonnement de technologies, une évolution rapide du secteur mais un développement qui stagne au stade de prototypes pré-commerciaux pour des raisons de rentabilité économique. En termes de perspectives, la capacité de La Réunion à représenter un territoire d’intérêt pour les industriels, en leur permettant de valider leurs technologies dans un contexte bien spécifique, interroge : tropical, insulaire et cyclonique. À La Réunion, le potentiel d’énergies marines se situe sur l’éolien flottant, l’énergie thermique des mers et la houle. La faisabilité technico-économique de la valorisation de ces potentiels reste à démontrer.
Des perspectives se dessinent quant aux possibilités de développement de l’éolien en mer. Le vent en mer offre des conditions plus favorables qu’en terre : vitesses plus élevées due à l’absence de relief et à l’éloignement de la côte, vitesse plus constante. Le gisement éolien pourrait prendre place sur 2 zones au Nord et au Sud de l’île, sur des surfaces d’environ 1700 km² chacune, dans lesquelles les vitesses moyennes annuelles sont comprises entre 6 et 7,5 m/s à 100 m de haut. L’éolien offshore et l’éolien en mer flottant (« petits » parcs d’une dizaine d’unités) sont les systèmes les mieux adaptés.
- L’éolien flottant pourrait se développer à moyen terme (une à quelques dizaines d’années) en grandes profondeurs, à plusieurs kilomètres des côtes. Avec des éoliennes de puissances unitaires de 5 à 10 MW, même des « petits » parcs d’une dizaine d’unités rivaliseraient en potentiel avec les principaux moyens de production électriques actuels de l’île. Au total, les deux zones propices situées au Sud-Ouest et au Nord-Ouest de l’île offrent une capacité brute de plusieurs gigawatts chacune. Des incertitudes restent à lever sur les impacts de ces ouvrages sur le milieu marin et l’insertion paysagère.
- L’énergie de la houle offre un potentiel intéressant sur la moitié Sud de l’île. L’éloignement des infrastructures du Port et les dimensions souvent imposantes des systèmes houlomoteurs, freinent les implantations au large. Les nécessités d’intégration paysagère, les données de protections environnementales et la puissance modérée des machines, amènent à considérer ce type d’énergie dans le cadre de projets pilotes à effet vitrine, avec des technologies soigneusement choisies et adaptées à l’île. En particulier, les systèmes houlomoteurs intégrés à des ouvrages côtiers (digues, quais ou jetées) sont plus faciles à déployer et moins coûteux. Si l’on considère le linéaire de côtes déjà aménagé par de tels ouvrages, plus quelques sites éventuels au large, on peut estimer que le territoire offre un potentiel de 1 à 20 MW.
- L’énergie thermique des mers est un atout, par les fonds escarpés rendant l’eau froide profonde accessible à moins de 10 km des côtes de l’île. L’enjeu majeur pour cette énergie est de trouver un modèle économique qui permette d’amortir le coût élevé des conduites qui acheminent l’eau profonde, pour faire de cette énergie un levier de développement pour les territoires. Le SWAC — Sea Water Air Conditioning, est un concept innovant de climatisation à base d’eau de mer permettant de substituer une grande partie de l’énergie électrique nécessaire à la climatisation par l’énergie thermique des mers, soit une source froide renouvelable. La climatisation du tertiaire à La Réunion représente une part significative de la consommation électrique de l’île (plus de 15 %). À ce jour, il existe 2 projets de SWAC :
- le « SWAC Sud » concerne hôpital de Saint-Pierre et est le plus avancé ;
- le « SWAC Nord » a pour objet d’alimenter les besoins de l’aéroport Roland Garros.
Les énergies issues du recyclage
Dans le domaine des déchets, l’ambition de tendre vers le « zéro déchet » est partagée par tous les acteurs. Dans l’attente de la mise en place des mesures, la valorisation énergétique des refus de tri sous forme de Combustibles Solides de Récupération (CSR) représente une solution de transition temporaire au tout enfouissement. Les installations nécessaires à ce type de valorisation énergétique des déchets sont prévues : une puissance de 16,7 MW électrique de revalorisation énergétique des CSR, pour une production électrique de 220 GWh/an, dont 70 à 80 GWh/an en substitution de la biomasse importée.
L « ’étude macroéconomique sur le développement d’une filière de valorisation de la canne fibre à la Réunion » (lancée en 2021 par la SPL Horizon Réunion) a pour objectif d’éclairer les décideurs sur les stratégies à développer. Deux scenarios sont retenus. Le premier s’oriente vers l’optimisation de la part énergétique dans la filière canne à sucre actuelle par de la culture de variétés de cannes mixtes. Il s’inscrit dans la continuité de la filière actuelle et suppose la culture sur l’ensemble de l’île de cannes mixtes. De fait, il impacte les rendements culturaux des agriculteurs, le transport de la canne et les premières étapes de pressage et d’extraction du jus de canne dans les sucreries. Cette culture de cannes plus riches en fibres, permet d’obtenir plus de bagasse, de paille et de résidus exportés des parcelles afin d’être utilisés comme combustible pour les centrales de cogénération. L’objectif de ce scénario est d’assurer une production sucrière comprise entre 180 000 et 200 000 t/an. Le second scénario repose sur l’émergence d’une filière canne 100 % énergie en parallèle de la filière canne sucrière, alimentant les centrales thermiques existantes et une nouvelle centrale de 4 MW (Source : étude macroéconomique sur le développement d’une filière de valorisation de la canne fibre à La Réunion).
Un projet adapté pour l’électrification de Mafate
De 1997 à 2006, le programme d’électrification de Mafate, réalisé dans le cadre des dispositifs de défiscalisation a permis d’implanter plus de 330 générateurs photovoltaïques dans les différents îlets du cirque de Mafate. Les contrats arrivant à échéance depuis 2012, des recherches de pérennisation de la fourniture d’électricité sont étudiées par le SIDELEC avec les communes de La Possession et de Saint-Paul. Le programme d’électrification de Mafate repose sur des centrales photovoltaïques mutualisées associés à des micro-réseaux de distribution d’électricité pour 75 % de la population Mafataise ; 34 % de la population à l’écart des villages sera électrifiée par des installations individuelles.
L’ambition de SIDELEC est de mutualiser les équipements en réalisant des « micros fermes photovoltaïques ». Cette vision vise à simplifier le mode et le coût de gestion. Les impacts de ce type d’ouvrage sont toutefois à évaluer du fait de la réalisation d’un large réseau électrique et des terrassements associés et de l’insertion dans le paysage « lointain » et depuis des points de vue fréquentés. Ce type d’ouvrage risque de ne permettre d’alimenter qu’une partie de îlets au vu du contexte topographique et de la localisation des concessions.
Enjeux
Un défi à relever
La Réunion, à travers la PPE (Programme Pluri annuel de l’Energie) tend vers une autonomie énergétique d’ici 2030 et plus globalement vers une augmentation de la production d’énergies renouvelables. Cet objectif nécessite le développement des énergies les plus matures à ce jour l’énergie photovoltaïque et l’énergie éolienne. Il pourrait également s’appuyer sur la poursuite des expérimentations et la mise en chantier de projets sur les différentes énergies innovantes : énergie de la houle, énergie thermique de la mer, l’éolien off-shore ou l’exploration de la ressource en géothermie, la conversion des centrales thermiques et l’évolution des centrales hydro électriques.
Les sources d’énergies renouvelables sont celles mentionnées précédemment L’électricité photovoltaïque d’origine solaire et l’éolien terrestre, l’énergie géothermique, et osmotique, l’énergie des CSR (Combustibles solides de Récupération).
Le défi pour La Réunion va être de réussir ce développement de façon harmonieuse dans le paysage, afin qu’il n’obère ni la qualité du cadre de vie quotidien ni celle du cadre touristique, pour une île qui doit parier à l’avenir sur un tourisme haut de gamme, en cohérence avec le Bien UNESCO.
Les enjeux portent sur deux échelles bien distinctes :
1. L’échelle de la parcelle et du paysage habité de proximité
2. L’échelle du territoire et du grand paysage
Un passif à effacer
En termes de paysage, la production et la distribution de l’énergie posent surtout un problème à l’échelle locale, par la prolifération des lignes électriques basse-tension qui s’ajoutent aux réseaux téléphoniques et de fibre optique, dans l’espace public des routes et des rues. Un grand travail reste à faire pour enterrer ou passer en façades les réseaux aériens. Cette amélioration paysagère, si importante pour une île appelée à jouer la carte de la qualité d’accueil, se doublerait d’une amélioration de la sécurité en approvisionnement, en soustrayant ces réseaux au risque cyclonique. Les priorités pourraient porter sur les espaces bâtis et les perspectives sur le grand paysage (virages et axes-perspectives des routes notamment).
L’échelle de la parcelle
et du paysage habité de proximité
L’échelle du territoire et du grand paysage
Avec le renforcement de la politique en énergie renouvelable, le risque principal est la multiplication de sites de production de grandes dimensions, qui porteraient atteinte à des sites remarquables (projet abandonné de géothermie dans la plaine de Sables…) ou plus vraisemblablement qui concurrenceraient les rares espaces agricoles et de nature des pentes hors Parc national, qui fragmenteraient des espaces non bâtis déjà réduits, et qui satureraient à terme un espace de vie insulaire rare et précieux.
Il s’agit en particulier de fermes photovoltaïques au sol et des fermes éoliennes, qui sont aujourd’hui les principales énergies alternatives développées sur l’île.
Ces grandes implantations méritent d’occuper quelques rares espaces peu perceptibles (c’est plus ou moins le cas des pentes de Sainte-Rose qui ont commencé à être investies), mais la rareté des terres milite pour éviter leur développement au sol.
Par ailleurs, l’abondance excessive des surfaces urbanisées et des bâtiments déjà existants à La Réunion milite pour éviter la création de nouveaux bâtiments ou installations dans les paysages agricoles et naturels, qui seraient spécifiquement dédiés au support de panneaux photovoltaïques : hangars, serres, etc.
Récemment, une pression grandissante s’observe pour développer des projets agrivoltaïques, par exemple pour la production de vanille, de fruits de la passion, ou pour l’élevage. Certains existent déjà, comme ‘Les Cèdres’, développé à l’entrée de l’Étang-Salé sur 7 ha, pour des légumes bio et de la pisciculture de tilapias. Cette plurifonctionnalité est bien venue. Mais, afin de maîtriser le développement de ces projets, la récente loi sur l’accélération des énergies renouvelables a fixé des critères (décrets en attente de publication fin 2023) :
- Amélioration du potentiel agronomique.
- Protection contre les aléas.
- Amélioration du bien-être animal.
Les énergies marines
Orientations
Promouvoir un développement énergétique peu consommateur d’espace et qualitatif
Objectifs
- Promouvoir la production d’énergies renouvelables dans le respect des sensibilités paysagères et écologiques
- Limiter la consommation d’espace par le développement des énergies
- Inscrire les installations énergétiques de façon harmonieuse dans le paysage
Principes
- Promouvoir le développement énergétique mesuré plutôt que par très grandes implantations industrielles
- Inscrire le développement des EnR dans les documents d’urbanisme, sur la base d’études paysagères approfondies permettant la spatialisation concertée
- Promouvoir le développement photovoltaïque et éolien sur bâtiments (toitures) plutôt qu’en pleine terre, en adoptant des règles simples et efficaces en faveur de la qualité d’insertion architecturale
- Promouvoir les énergies marines (énergies houlomotrices, énergies thermiques offshore, …) et la biomasse
- Préciser les principes par une charte paysagère et architecturale des EnR.