Atlas / 5. Les processus, enjeux et orientations thématiques / Les paysages des activités et des équipements
5. Les processus, enjeux et orientations thématiques
Introduction :
puissance des transformations des 70 dernières années
Les valeurs paysagères clefs de La Réunion
Les paysages de l'eau douce
Les paysages du littoral
Les paysages de nature
Les paysages agricoles
Les paysages de l'habitat
Les paysages des mobilités
Les paysages des énergies
Les paysages des activités et équipements
Synthèse : les enjeux majeurs de paysage
Les paysages
des activités
et des équipements
Processus
Le développement des zones d’activités
Les besoins en zones d’activités sont importants sur l’île, liés notamment au développement d’activités productives (industrie, BTP, commerce de gros). Partout des projets émergent, que ce soit près des grands pôles urbains, sur le littoral ou dans les bourgs des pentes.
Une dynamique d’extension des zones d’activités sur les pentes agricoles littorales de Saint-Pierre s’est produite ces dernières années entachant l’homogénéité des paysages agricoles.
Des zones industrielles (ZI 3 et 4) et la zone commerciale Bank affichent des bâtiments imposants en façade de la RN2, participant à la fermeture visuelle sur les paysages particulièrement remarquables des pentes du Dimitile et de Saint-Louis. Le projet « Pierrefonds Grand Sud » sur les berges de la Rivière Saint-Etienne sonne le glas des paysages de la plaine fertile agricole de Pierrefonds, et l’entité patrimoniale de l’usine.
Le long de la Route des Tamarins, plusieurs projets continuent de se développer : les ZAC du Portail et de l’Eperon profitent de l’effet de façade pour développer des bâtiments commerciaux et tertiaires.
En 2022, ces importants besoins de développement sont à intégrer dans les logiques de développement du territoire. Cette pression est très présente puisque le marché en immobilier tertiaire et d’activité est extrêmement tendu, en particulier dans le nord et l’ouest de l’île.
Tensions sur les carrières, les matériaux de construction et les décharges
La question sensible des carrières
Les activités du BTP nécessitent un emploi régulier de matériaux de construction pour les fondations et structures des bâtiments et infrastructures. Les carrières en activité sur le territoire forment une succession de lieux d’activité et de paysages transitoires, accompagnés de nuisances contrôlées (bruit, poussières, circulation de camions). Sans réflexion paysagère d’ensemble ni anticipation de leur transformation à terme, les sites de carrière peuvent dégrader les paysages, nuire au cadre de vie et rendre très difficile la réhabilitation ou recréation de paysage.
Les carrières situées souvent sur les pentes littorales (berges de ravine ou basses pentes), du fait de la disponibilité et de l’accessibilité en matériaux alluvionnaires, affectent les zones agricoles et les espaces de nature. Le secteur de Pierrefonds a été totalement remanié ces dernières années par les exploitations de matériaux affectant l’ensemble du paysage de la plaine littorale : perturbation du relief (excavation des parcelles), atteinte à la structure végétale d’origine (haies, alignement de palmiers…) et dégradation totale des sols cultivés.
Dans le cadre de la NRL, plusieurs projets de carrières situés en lisière de zone urbaine (Carrière des Lataniers, Carrière de Bellevue), en zone naturelle (Carrière de Bois Blanc) ou en zone agricole (secteur des Orangers) ont suscité des réactions nombreuses de la part des riverains et des associations de protection de la nature. Parallèlement, une longue bataille juridique autour du Schéma Départemental des Carrières et des Autorisations environnementales a eu raison de ces projets.
La filière construction trop dépendante de l’exportation de matériaux
La Réunion est très pauvre en termes de filières d’approvisionnement. Le basalte, matériau socle de la géomorphologie de l’île, voit son exploitation contrôlée par le Schéma directeur des carrières ; les granulats sont exploités avec une ressource qui se raréfie. La crise d’approvisionnement en roches massives de la NRL a montré les limites de l’exploitation des ressources locales. Le bois constitue une ressource sous exploitée et peu valorisée au regard des forêts de bois d’œuvre existantes. L’exploitation est aujourd’hui concentrée sur le cryptomeria, bois à croissance rapide de qualité secondaire, dans une filière insuffisante pour répondre aux besoins locaux. Des filières balbutiantes comme le bambou, le vétiver, le chanvre, ainsi que le réemploi sont au stade de filières émergentes.
Plusieurs études sur les matériaux biosourcés sont en cours (étude sur les isolants biosourcés – Autre étude DEAL « Isobio dom »).
L’incitation à l’utilisation de matériaux biosourcés et géo-sourcés fait partie des politiques publiques portées par le Ministère de la transition écologique, qui ont trouvé un fort écho dans le cadre du Plan de relance 2020-2022. Les stratégies engagées dans le cadre du 4ème Programme d’Investissements d’Avenir (PIA 4) pour accompagner l’innovation (pendant la relance et au-delà) soutiennent des réflexions de recherche. La DAAF a lancé par exemple en 2022 une étude sur la stratégie d’accélération pour les produits biosourcés et les carburants durables.
Des décharges aux centres d’enfouissements
La politique d’économie circulaire rendue publique en mai 2018 par le gouvernement offre l’opportunité d’un nouveau modèle économique permettant d’économiser les ressources, de mobiliser les acteurs vers le recyclage et la valorisation énergétique et de réduire les déchets à traiter. Les singularités de l’île contraignent la gestion des déchets : insularité, population élevée et forte pression foncière, relief accidenté, climat tropical et risques sanitaires.
L’enfouissement est le mode de gestion majoritaire (66 %) pour les déchets ménagers et les autres déchets d’activités économiques. Hors déchets du BTP, le tonnage des déchets enfouis sur l’île de La Réunion s’élève à 505 kt par an. La majorité des déchets organiques d’activités économiques est valorisée comme matière organique, 36 % est valorisé énergétiquement (pour l’essentiel de la bagasse).
Les deux centres d’enfouissent de La Réunion seront saturés rapidement. À la décharge de Pierrefonds, 800 tonnes d’ordures supplémentaires sont amenées chaque jour, soit deux tiers des déchets de l’île. Leur traitement par enfouissement ne sera bientôt plus possible, en raison de la loi sur la transition énergétique qui prévoit une réduction de 50 % des déchets enfouis d’ici à 2025, Ces avancées sont toutefois repoussées d’année en année, prises au centre de rivalités politiques locales (Le Monde, 28 décembre 2019).
Le chantier d’incinérateur du Sud qui fait polémique doit être finalisé en 2024. Il est situé à Pierrefonds, à côté de l’actuel centre d’enfouissement sur six hectares de terrain avec 20 000 m³ de béton et 250 kilomètres de câbles électriques. Au total, 230 000 tonnes de déchets du Sud et de l’ouest du l’île seront traités dans ce centre avec trois filières. Le recyclage classique, la méthanisation organique de déchets biodégradables et la revalorisation énergétique, en incinérant les déchets. Un centre d’enfouissement des déchets envisagé par le SYDNE, le Syndicat mixte de traitement des déchets du Nord-Est de l’île, doit s’implanter.
Si l’objectif « zéro déchet » est partagé par la quasi-totalité des partenaires, le pragmatisme et la contrainte de temporalité commandent de trouver une solution de transition temporaire et réversible au tout enfouissement. La valorisation énergétique des déchets pourrait évoluer vers la fabrication et la combustion de CSR ; cette solution réversible avec la biomasse au fur et à mesure des avancées de l’objectif partagé « zéro déchet » s’inscrit dans les objectifs du PPE. À ce jour, le choix du scénario de valorisation énergétique de CSR n’est pas validé (Source Gestion des déchets sur l’île de La Réunion – 2018 – CGEDD)
Enjeux
Une stratégie claire en termes de gestion de la ressource
Le cas du chantier de la NRL avec la difficulté de son approvisionnement en matériaux de construction questionne la pertinence de la stratégie et des choix d’aménagement associés.
Il montre que l’insularité impose une gestion circulaire de la ressource, de son exploitation et des filières de valorisation. Cette approche complexe en cours de réflexion est encore émergente à La Réunion. Elle impose une vision prospective du développement de l’île, le développement des différentes filières et l’adaptation des modes constructifs et des références culturelles locales.
L’insertion des équipements associés aux activités humaines
Les objectifs poursuivis par les projets d’équipements ou de zones d’activité doivent à la fois correspondre aux projets de développement de territoires mais également répondre durablement aux attentes des collectivités en favorisant la croissance économique, tout en préservant le patrimoine et le bien-être social. Cela implique par exemple des choix stratégiques de lieux d’implantation pas uniquement guidés par l’économie et de considérer les projets à une échelle plus globale dans la prise en compte des grands enjeux suivants :
- L’inscription des projets dans le tissu urbain constitué et dans le grand paysage.
- La lutte contre l’étalement urbain des zones d’activité du fait de leur ampleur en termes d’artificialisation des sols.
- L’intégration des risques d’obsolescence constatés du fait du manque d’entretien de ces zones ; un manque de travaux d’entretien et d’amélioration (au niveau de la voirie et des espaces publics) est souvent remarqué, auquel s’ajoute la signalétique qui n’obéit généralement à aucune cohérence d’ensemble.
- L’intégration des enjeux environnementaux et d’économie d’énergie au sein des projets.
- Le traitement du potentiel de mutation et de requalification des zones d’activité ou des équipements. Intégration du phasage, de l’évolutivité et du devenir des sites : décharges, carrières…
Orientations
Améliorer l’insertion transitoire et définitive des sites d’exploitation de matériaux
et des centres d’enfouissements
Objectifs
- Ne pas altérer les paysages de l’île
- Préserver l’image de La Réunion et son attractivité pour les habitants et le tourisme
- Améliorer l’intégration des sites d’exploitation dans les paysages de La Réunion
- Faire évoluer les regards sur la gestion des déchets, le recyclage, le réemploi
Principes
- Anticiper la vocation de réhabilitation du site à terme ; Le paysage doit être le projet constitutif de l’équipement. Il doit accompagner et cadrer la présélection des sites pour les gros équipements (centre d’enfouissement…).
- Faire appel à des hommes de l’art pour la définition des programmes et des cahiers des charges, ainsi que pour la conception et la mise en œuvre (architectes, concepteurs paysagistes, BET…).
- Évaluer préalablement à l’autorisation, l’impact sur les paysages.
Illustrations
Accompagner le développement des matériaux biosourcés et des savoirs faires locaux
Objectifs
- Libérer la créativité et l’innovation pour favoriser la recherche de solutions adaptées au territoire.
Principes
- Favoriser l’innovation, encourager l’expérimentation.
- Développer les filières adaptées et les matériaux bio sourcés du territoire.
- Financier la recherche et les partenariats scientifiques et équipes opérationnelles (Maîtrise d’œuvre, entreprise).
- Créer un lieu, une plateforme de partage des expériences entre différents acteurs de l’aménagement du territoire.
Améliorer la qualité architecturale
et paysagère des équipements
Objectifs
- Améliorer l’image de La Réunion et son attractivité pour les habitants et le tourisme.
- Améliorer l’intégration des équipements techniques dans les paysages de La Réunion : citernes, bassins de rétention, retenues collinaires, postes électriques, chauffe-eau solaires, stations de pompage ou de relevage, panneaux photovoltaïques, points de regroupement des déchets, blocs extérieurs des climatiseurs, antennes paraboliques, pylônes supports de stations radioélectriques...
- Réduire la présence des réseaux aériens • Limiter et maîtriser l’affichage publicitaire, les enseignes et pré-enseignes.
- Limiter et maîtriser l’affichage publicitaire, les enseignes et pré-enseignes.
Principes
- Faire appel à des hommes de l’art pour la définition des programmes et des cahiers des charges, ainsi que pour la conception et la mise en œuvre (architectes, architectes-paysagistes, éclairagistes, BET…).
- Enterrer les lignes ou les passer sur façades selon les cas.
- Privilégier la publicité peinte sur bâtiments plutôt que placardée ou en panneaux isolés.
- Mettre en place des règlements locaux de publicité (cf Loi Climat et résilience 2021).
Illustrations
Élaborer une stratégie d’ensemble
pour les zones d’activités
Objectifs
- Limiter la consommation des terres pour le développement des activités.
- Optimiser l’efficacité du développement économique.
Principes
- Développer des thèmes forts, différenciés par secteurs, générant des synergies en matière de développement économique.
- Organiser la complémentarité des zones.
- Optimiser le foncier disponible : friches, dents creuses, réhabilitation/requalification d’anciennes ZA.
- Organiser le développement dans le temps.
- Développer des principes communs d’aménagement, notamment en matière d’énergies renouvelables.
- Relocaliser certaines activités occupant des sites sensibles.
Maîtriser l’aspect des activités
depuis les infrastructures
Objectifs
- Eviter le syndrome des entrées de villes dévalorisées par l’urbanisation linéaire d’activités.
- Favoriser la qualité paysagère des activités.
- Valoriser l’image de La Réunion à travers son dynamisme économique.
Principes
- Zones existantes :
- Revaloriser les linéaires routiers dégradés (entrées de villes…).
- Résorber les points noirs des réseaux aériens.
- Résorber les points noirs des activités, publicités et enseignes.
- Zones nouvelles :
- Mettre en scène les accès au territoire, aux villes et aux villages, longeant ou traversant la zone d’activités créée.
- Maintenir un espace de mise en scène géré et entretenu entre la route et les bâtiments d’activité situés en vitrine. C’est un recul de lisibilité et d’inscription dans le territoire, intégré dans le cahier des charges de conception de la zone.
- Organiser des façades bâties ou pignons globalement parallèles à la route, tournés vers elle.
- Porter un effort particulier de qualité architecturale des façades bâties et des pignons, en particulier côté route principale (vitrine « image de marque »).
Illustrations
Valoriser l’architecture et le paysage
des zones d’activités
Objectifs
- Favoriser la qualité paysagère, urbaine et architecturale des activités.
- Valoriser l’image de La Réunion à travers son dynamisme économique.
Principes
- Créer des trames viaires et pluviales plantées :
- Plan d'ensemble d'aménagement paysager des eaux pluviales, intégrant noues, fossés, bassins, plantations, circulations douces le cas échéant.
- Adaptation fine au terrain naturel.
- Limitation maximale des surfaces imperméabilisées.
- Lisibilité des accès, des services et circulations de desserte de la ZA.
- Accompagnement par des plantations, des cheminements, des pistes et bandes cyclables pour la desserte interne de la zone et pour les liaisons avec les bourgs voisins.
- Gestion par fauchage des lots non occupés (au moins deux fois par an).
- Offrir de l’ombrage aux stationnements et aux circulations, limiter les surfaces imperméabilisées.
- Maîtriser la qualité architecturale et paysagère dans une unité d'ensemble. Par exemple :
- Façades sombres, couleurs denses, sauf exceptions (matériaux spécifiques).
- Bardages de préférence horizontaux et non verticaux.
- Intégration des enseignes dans les volumes bâtis, sans excroissance.
- Accompagnement végétal des volumes bâtis ; pas d’espaces utilitaires visibles côté route principale sans traitement paysager (aires de stockages de matériaux, parkings…).
- Traitement qualitatif des clôtures : utilisation de matériaux nobles et finitions soignées (murs maçonnés), accompagnement végétal (haies composées), clôtures grillagées sombres, limitation en hauteur (2,00 m maximum).
- Offrir des services aux personnes qui travaillent dans la zone :
- Liaisons de qualité avec les bourgs voisins, y compris par circulations douces.
- Services rassemblés autour d'un espace public commun agréable et facile d'appropriation.
- Faire appel à des hommes de l'art pour élaborer et suivre les projets d'aménagement.
- Maîtriser dans l'espace et dans le temps l'évolution des zones d'activités :
- Maîtrise foncière totale d'une tranche avant toute implantation d'entreprise.
- Constitution d'une enveloppe végétale extérieure forte pour chaque tranche, compatible avec la réalisation des tranches ultérieures. L'objectif n'est pas de masquer des bâtiments qui ne peuvent pas l'être, mais de former une limite pérenne entre la zone d'activités et l'espace agricole, de nature ou urbain.
- Prévoir des dispositifs favorables au développement durable. Outre le traitement paysager des eaux pluviales :
- Recherche d'utilisation locale des déblais/remblais.
- Plan de nivellement général du site.
- Utilisation des volumes excédentaires pour conforter la trame paysagère, constituer des talus de protection phonique ou climatique.
- Recherche de production et utilisation des énergies renouvelables.