Atlas / 2. Les fondements naturels et anthropiques / Les paysages et l’eau douce
Cette valeur est d’autant plus grande que, débouchant par définition sur le littoral, les ravines offrent leurs espaces de nature au cœur des secteurs les plus densément habités de l’île : c’est ainsi qu’elles deviennent de véritables jardins naturels accessibles aux habitants, dont la valeur est souvent renforcée lorsqu’elles sont cultivées à proximité de leur embouchure.
L’accessibilité des embouchures de ravines et leur qualité paysagère et écologique apparaissent ainsi comme un enjeu fort de l’aménagement qualitatif du littoral. S’y ajoute l’importance des préservations et des qualités des vues sur ces ravines depuis le littoral.
Plus haut sur les pentes, les ravines creusées en gorges deviennent peu accessibles, et finalement discrètes malgré leurs dimensions parfois spectaculaires, en étant cachées en creux. Ce sont les forêts linéaires qui accompagnent leurs abords, qui peuvent permettre de mieux les préserver et les mettre en valeur, en jouant le rôle d’espaces-tampons protecteurs.
La présence permanente de l’eau douce dans les ravines, rare sur l’ensemble de La Réunion, contribue à différencier les paysages de l’est et du sud, de ceux de l’ouest. Si l’ouest a les plages, l’est a l’eau douce. Or l’eau douce est un puissant facteur d’attraction des paysages ; les Réunionnais apprécient les pique-niques, les bains, la pêche dans l’ambiance fraîche des ravines. La crise requin qui affecte la baignade en eau de mer depuis 2011 a renforcé l’attractivité de l’eau douce. Avec le développement des sports d’eau vive, les rivières sont devenues également attractives pour les loisirs et le tourisme sportifs : canyoning, rafting, escalade.
Trou blanc, Fleur jaune, Bras rouge, rivières des Roches, Sainte-Suzanne, ravine Grand-mère, ravine Blanche, Takamaka, le Trou de Fer, …, sont quelques noms de descentes mythiques locales.
Cette inégale répartition des précipitations dans l’île a entraîné, depuis le XVIIIe siècle, des travaux hydrauliques pour corriger les déséquilibres. Avec l’ère du sucre, des canaux d’irrigation gravitaires ont été créés : dérivation de la ravine à Marquet à La Possession en 1797, dérivation de la rivière Saint-Etienne en 1816, creusement du canal Lemarchand à Savanna en 1829, dérivation de la rivière du Mât en 1860, pour l’irrigation de la plaine du Champ Borne, qui devenait maraîchère. Les plus connus de ces canaux sont ceux de la ravine Saint-Gilles, qui ont un temps été parcourables à pied de façon ludique pour rejoindre les bassins (Bassin des Aigrettes, Bassin Malheur, Bassin Bleu), tantôt suspendus en bord de falaise, tantôt creusés en tunnels.
Les anciens canaux constituent aujourd’hui de discrètes traces dans le paysage, peu remises en valeur malgré la qualité des réalisations et les parcours confortables, quasi-horizontaux, qu’ils offrent. Certains de ces canaux ont été réhabilités ces dernières années et valorisés dans le cadre de parcours de randonnées : canal Prune et canal Bottard (ce dernier protégé sur le plan patrimonial).
À partir des années 1960-1970, l’irrigation devient majeure dans la politique agricole. Elle s’opère désormais par des canalisations enterrées. Ce sont moins les ouvrages qui marquent le paysage que les effets même de l’irrigation, capable de transformer des pans entiers de territoires, grâce à de grands périmètres à vocation régionale : Bras de la Plaine 5 500 ha, Champ-Borne 1 800 ha, Bras de Cilaos 3 400 ha.
Récemment, c’est l’Ouest qui a vécu une profonde transformation de ses paysages avec l’irrigation des terres des mi-pentes et des bas. Les étendues sèches de savane plus ou moins arbustives ont peu à peu cédé la place aux vertes étendues de canne à sucre au fur et à mesure que le Conseil Général, avec des financements européens, a mis en œuvre l’ambitieux projet ILO (irrigation du littoral ouest) de transfert des eaux.
Désormais, c’est le projet MEREN (Mobilisation de Ressources en Eau des micros-régions Est et Nord), vise à irriguer les terres de l’Est pour participer au développement agricole et urbain de ce secteur de l’île.