Atlas / 4. Les unités de paysage / 4. Les pentes de Sainte‑Rose et Saint‑Philippe
Ces pentes hors enclos du massif de la Fournaise ne reçoivent qu’exceptionnellement les coulées de lave nées des flancs du volcan (cas des coulées de 1977 ou 1998). Elles se décomposent en deux grandes entités de part et d’autre du Grand Brûlé (que l’on a fait appartenir au paysage du Volcan dans le présent atlas — unité de paysage n°15 —, même si les pentes basses et le littoral du Grand Brûlé font aussi partie du paysage de Sainte-Rose et de Saint-Philippe, ne serait-ce qu’avec la traversée qu’en offre la RN2 et les vues qui se dégagent dessus depuis les remparts de Bois-Blanc et du Tremblet).
Les pentes littorales de Sainte-Rose, de la Rivière de l’Est au Rempart de Bois Blanc
Un littoral davantage préservé de l’urbanisation, où alternent cases, champs de canne, vergers créoles et forêt cultivée de vanille
Les pentes forestières de Sainte-Rose
Domaine des bois de couleur, elles sont presque exemptes d’implantations humaines, et peuvent être soumises à des coulées volcaniques hors Enclos. La forêt cède la place à un paysage de fourrés éricoïdes qui s’ouvre à partir de 1600 m d’altitude.
Les pentes littorales de Saint-Philippe, du Rempart du Tremblet à Basse Vallée
Le littoral le moins habité de l’île, où se côtoient cases, jardins exubérants et littoral sauvage.
Les pentes forestières de Saint-Philippe
Comme celles de Sainte-Rose, ces forêts de bois de couleur s’allongent de 300 à 2 000 m d’altitude. L’avoune prend le relais de la forêt à partir de 1 600 m d’altitude.
De longues pentes boisées aux formations végétales riches et diversifiées, descendant par endroits jusqu’à la côte.
Une côte sauvage, marquée par la confrontation spectaculaire de l’océan et du volcan, et enrichie de sites appréciés.
Des pentes sous le volcan, plus naturelles qu’ailleurs.
De belles pentes agricoles associant canne et vergers créoles.
Une route ligne de vie, cristallisant un habitat en linéaire.
Un patrimoine fragilisé de cases et de jardins traditionnels.
La nature jardinée, écrin précieux des cases et de la route.
Une côte sauvage, marquée par la confrontation spectaculaire de l’océan et du volcan, et enrichie de sites appréciés.
Hormis l’église de Piton Sainte-Rose, ce n’est que dans le Grand Brûlé, sur une séquence d’une dizaine de kilomètres traversée par la RN2, que la présence du volcan devient manifeste : à défaut de voir, son cône presque toujours dans les nuages, les coulées de lave s’observent dans leur diversité d’aspect : noires lorsqu’elles sont très récentes, en grattons ou cordiformes, puis blanchies rapidement par les lichens, puis verdies par les fougères, par les ambavilles, et enfin par les arbres comme les filaos qui les colonisent progressivement, préparant la place des bois de couleurs.
Le danger que peut représenter le volcan, la nature superficielle des sols jeunes difficiles à cultiver, l’importance des pluies et de la nébulosité, expliquent l’aspect plus sauvage de la côte sud-est de l’île : urbanisation faiblement développée, champs cultivés s’arrêtant le plus souvent à 300-400m d’altitude, importance de la forêt.
Des langues forestières constituent encore des continuités entre les hauts et les bas. Elles sont constituées par la forêt de bois de couleur des bas, une des formations les plus raréfiées sur l’île, plus ou moins dégradée selon les secteurs, et leur surface et se prolongent sur le littoral par les formations végétales sur trottoirs rocheux, l’un des biotopes remarquables de l’île. Ces langues de forêts rejoignent les pentes boisées et conservées qui remontent sur les hauts sommets.
Ces continuités végétales plus ou moins préservées permettent aux oiseaux forestiers indigènes, souvent cantonnés aux milieux conservés des hauts, de fréquenter le littoral, traduisant l’intérêt majeur de ces formations. D’autres espèces endémiques s’y développent également, avec de nombreuses orchidées, et aussi le Lézard vert des Haut, gecko endémique, ou des papillons (Vanesse de Bourbon, Papillon la Pâture…).
Le littoral découpé forme une succession de pointes, véritables repères géographiques, perceptibles principalement depuis la mer : Pointe corail, Pointe de Bellevue, Pointe de la Croix-La Marine, Pointe des Bambous, Pointe des cascades, Pointe de Bois Blanc… Elles s’accompagnent de quais, débarcadères creusés dans la roche : Quai plat, Quai de Rouville, Quai de la vierge, Quai de sel, Quai de Marie… Les pointes et falaises constituent autant de sites diversifiés, appréciés pour jouir du spectacle de l’océan.
Le littoral de Sainte-Rose et Saint-Philippe présente localement une végétation naturelle littorale des falaises et des trottoirs rocheux, qui résiste aux embruns marins. Il offre des sites propices à la reproduction des oiseaux marins (dont le Paille en queue caractéristique du paysage de cette côte et aussi le Noddi brun) ainsi que des sentiers encore « sauvages » qui permettent la découverte de cette nature.
Hormis vers Mare Longue et Le Baril, où la frange littorale devient étroite et fragile entre l’océan et la RN2, les grands sites marins se découvrent par un cheminement greffé sur la Nationale dont la préservation du cadre est essentielle. Cela concerne la plupart des sites : la Marine de Sainte-Rose, Port Ango, Anse des Cascades, le Site de la Source ou la Pointe de la Table.
Le Sentier littoral, ancien « sentier pêcheur », relie Sainte-Rose à l’Anse des Cascades. C’est l’un des rares sentiers qui permet la découverte du littoral sauvage, d’une remarquable beauté. Le paysage offre des vues en alternance sur les falaises littorales et l’ambiance intimiste des forêts de bambous et de vacoas.
Les cases en bois sous tôle, fragiles mais soignées dans leurs façades et environnées de leur exubérant jardin, ouvertes sur la route, constituent un trait de caractère des pentes de Sainte-Rose et Saint-Philippe, mis en évidence dans l’ouvrage « Paysage Côte Est » en 1990 (Bertrand Folléa, CAUE Réunion, Océan Editions). On retrouve encore çà et là cette organisation socio-paysagère singulière et magnifique au fil de la RN2 et sur les quelques voies secondaires.
Néanmoins, le recalibrage de la route et la création de trottoirs depuis plus de 30 ans s’accompagne d’un double problème d’élargissement de la chaussée et de création de clôtures en dur (murs de basalte au mieux, mais aussi murs de béton, de parpaings, grilles de métal, planches de pvc…). L’ensemble casse le caractère végétal à la fois savant et foisonnant propre à la côte Est bien arrosée, et banalise considérablement le paysage.
Mais à la vanille s’ajoutent de nombreuses essences productives qui additionnent leurs élégants feuillages aux essences forestières : palmistes, cocotiers, arbres à pain, letchis, bananiers, mandariniers, … Et certaines espèces spontanées font l’objet de cueillette, comme le goyavier, floutant encore davantage la limite entre le naturel et le cultivé.
Cette nature jardinée, associant espèces exotiques et indigènes, forme le tissu végétal de l’habitat : un milieu de transition qui crée une « transparence écologique » favorable à la faune.
Le paysage intime des cases s’entremêle avec la nature jardinée pour former un tissu quasi-continu sur les pentes littorales. Ce paysage densément planté masque depuis la route autant l’océan que les cultures de cannes. Il traduit l’authenticité d’une côte Est intime, et constitue un de ses principaux traits de caractère, encore insuffisamment reconnu.