5. Les processus, enjeux et orientations thématiques

Les paysages du littoral

Processus

Les paysages des pentes extérieures de La Réunion, en dévalant « du sommet des montagnes au battant des lames », offrent généreusement de larges perspectives des cimes jusqu’à l’océan. Le paysage du littoral se définit ainsi bien au-delà du trait de côte, associant les pentes dans des emprises plus ou moins importantes en fonction des sites. 

Cette continuité Hauts-Bas n’est pas que visuelle, elle est aussi fonctionnelle avec les pluies d’altitude qui alimentent les nappes littorales, et écologique avec les corridors que forment les ravines ; elle est aussi profondément constitutive des modes de vie des Réunionnais, qui trouvent des complémentarités indispensables entre littoral, mi-pentes et montagne : prendre le frais dans les Hauts ou le chaud sur les plages, pratiquer des sports et des loisirs variés entre montagne et mer, entre eau douce et eau salée, entre pitons et fonds sous-marins. Mais le gradient d’altitude est aussi en partie un gradient social, avec des logements moins chers en altitude, car moins ensoleillés et plus éloignés des services et emplois offerts en ville.

Un paysage naturellement évolutif

Plage de galets, Cambaie, Saint Paul, 2022.
Espace de nature résiduel à l’embouchure de la ravine Patate à Durand entre la RN1 et le littoral à Saint Denis.
Le littoral de galets de Saint-André, soumis à l’érosion marine.
Plage de sable noir et rochers de basalte sombres, Saint Leu, 2022.
Coulée de lave sur le littoral de l’Enclos, marquant l’avancée de la terre sur l’océan.

Le littoral, « zone de contact entre terre et mer » constitue un espace en perpétuelle mutation. Les côtes réunionnaises évoluent par érosion et sédimentation avec des différences très marquées notamment pour les côtes meubles et exposées à la houle océanique, aux cyclones et aux tempêtes tropicales. Les perspectives d’élévation rapide du niveau de la mer liées au changement climatique laissent craindre une fragilisation d’espaces littoraux, déjà contraints et un laps de temps insuffisant à l’adaptation des habitats naturels côtiers. La diversité géomorphologique du trait de côte de l’île illustre le théâtre de ces confrontations terre océan : les plages de sable blanc du lagon, le littoral rocheux de Saint-Philippe et de l’Enclos ; les plages de galets du Nord et de l’Est oscillant entre replats et falaise d’arrière-plage… Dans ces situations variées, des évolutions sont régulièrement visibles :

Aujourd’hui, l’urbanisation massive des pentes et la concentration des activités industrielles sur le littoral influencent l’état du milieu naturel et en particulier la pollution du milieu marin.

Des planèzes accueillantes concentrant la majorité de la population insulaire

Les basses pentes littorales accueillent les grands équipements et le développement urbain. Ici Saint-Denis vue d’avion.
La plaine de Saint Paul et la Planèze du Port au pied de la corniche de l’ouest.
La Réunion connaît une pression anthropique grandissante sur son littoral en lien avec l’urbanisation, les aménagements portuaires et les ouvrages de défense contre la mer. Les plaines, rares replats placés à l’exutoire des grandes ravines, ont concentré le développement le plus important de l’urbanisation (Plaine des Galets, Plaine du Gol, Plaine de Saint-André). C’est là en particulier que les équipements majeurs ont pris place : aéroport Roland-Garros à Gillot, aérodrome de Pierrefonds, port ouest et nord de la Pointe des Galets, réseau maillé des routes et villes les plus importantes de l’île :
Carrière dans la rivière Saint-Etienne à proximité du littoral, vers Bois d’Olives.
Avec la disparition des échanges commerciaux portuaires, qui se concentrent à partir de 1886 au Port de La Pointe des Galets, l’attrait pour le littoral évolue. Il devient une lisière de ville où s’implantent alors des équipements nécessitant de fortes emprises : cimetières, activités et équipements lourds (décharges, station d’épuration les zones d’extraction de matériaux…). Parallèlement, les activités commerciales et industrielles se concentrent à la périphérie des villes s’étalant sur les pentes littorales agricoles ou naturelles. Les embouchures de ravines, longtemps reniées concentrent également des activités industrielles sur leurs berges.

Afin de favoriser le développement économique, agricole et touristique des départements ultramarins, l’État a fait évoluer par décret du 30 juin 1955, la domanialité des terrains compris dans la zone des 50 pas géométriques, passant d’un statut de domaine public à celui de domaine privé de l’État. Ce choix a contribué au développement de la côte et des maisons « pieds dans l’eau ».

À partir des années 1960, le rapport à l’espace est modifié et le littoral ouest évolue sous l’effet du développement touristique et de la croissance économique. Les villes de bord de mer deviennent attractives et captent une bonne partie des populations des Hauts. Sur les zones rétro-littorales, l’effet d’attraction se répercute comme à Saint-André, Saint-Benoît… Au-delà des pôles urbains, des quartiers résidentiels apparaissent et privatisent la bande littorale comme à Souris Blanche.

Une concentration des infrastructures, des équipements et des ouvrages sur le littoral

La bande littorale résiduelle accueillant cimetière, promenade littorale, décharge et station d’épuration, Saint Denis, 2018.
Espace de nature résiduel traversé par le sentier littoral entre la RN1 et le trait de côte à Saint Denis.
Les déplacements terrestres d’aujourd’hui sont gérés par les infrastructures routières consommatrices d’espaces qui impactent directement le lien avec le littoral. La RN1 et la RN2, qui font le tour de l’île, sont réalisées sur les replats souvent proches de la côte et forment une coupure d’autant plus marquante que le flux de circulation est important. Même la RN2 à Sainte-Rose et Saint-Philippe, appelée « route ligne de vie » en 1990 (lire « Paysage Côte Est », Bertrand Folléa, CAUE, Océans Editions), n’a plus rien à voir avec l’espace public qu’elle formait il y a encore 30 ans, quand les flux de circulation étaient moindres et la route plus étroite. Les ouvrages aéroportuaires, implantés préférentiellement à la périphérie des villes sur les plaines littorales, mobilisent un important foncier. Le littoral du Port de la Plaine des Galets est concerné en majorité par l’emprise de différents ports (marchandise, plaisance) et les activités associées — pour certaines classées ICPE —, qui neutralisent la côte et son appropriation éventuelle par les usagers.

Des espaces littoraux de nature
devenus rares et précieux

Etroite bande littorale, plage de galets et de sable à Saint Leu, mai 2022.
Face aux fortes pressions pesant sur le littoral, les espaces de nature littoraux sont devenus rares et fragiles. Ils forment un chapelet aujourd’hui protégé par un arsenal réglementaire qui a fait ses preuves (Loi Littoral, SMVM etc…). Le CELRL permet, par des acquisitions foncières et des modes de gestion adaptés, de préserver d’importantes surfaces.
Reconquête écologique de la plage de l’Ermitage, Mai 2022.
Ambiance boisée, forêt littorale de Saint Paul.

Hors des villes, des sites naturels d’accueil du public sont aménagés. À L’Étang-Salé et à Saint-Paul, les forêts littorales sont gérées dans le cadre du DPM par l’ONF et bénéficient de reforestation et d’accueil léger du public. L’arrière-plage littorale de l’Hermitage bénéficie de réaménagement pour préserver la plage de l’érosion tout en intégrant l’attrait touristique et récréatif : restauration écologique des hauts de plage, liaisons douces, requalification de l’actuel schéma de circulation et de stationnement (disparition de 600 places de stationnement) ; restriction de la circulation motorisée (hors services et secours) et recul des voitures ; aménagement de zones de transition, de pôles d’accueil.

Ondulation de savanes du Cap La Houssaye.
Plage de sable noir, à Saint Leu, mai 2022.
Les savanes du Cap La Houssaye, de grands espaces côtoyant le littoral.
Reconquête écologique sur l’étroite bande littorale de plage de galets – La Possession – Mai 2022.
Le bord de mer de Saint-Pierre, accueillant promenade plantée et espaces de jeux.
Depuis une vingtaine d’année, des programmes de préservation et de valorisation du littoral sont engagés dans les villes, afin de reconquérir un bord de mer longtemps ignoré. Les espaces sont plantés et accueillent des sentiers, des lieux de détente, de jeux et de sport. Ils connaissent un grand succès, comme à Saint-Leu, Saint-Denis, Saint-Paul, Saint-Pierre, Saint-Benoît.
Sentier littoral domaine forestier, Saint Paul.
Pistes cyclables longeant le sentier littoral forestier, Saint Paul, mai 2022.
Le Conservatoire du Littoral (CELRL) a étudié en 2018 un tracé ambitieux de sentier littoral dans l’objectif de faciliter la découverte des paysages mais également d’offrir une continuité ou des boucles de parcours sur l’ensemble du littoral insulaire. Les EPCI prennent le relais sur les sentiers littoraux en mettant en œuvre des pratiques de cycles promenades et de parcours piétons. La CIREST porte en particulier le Sentier Littoral Est (SLE) allant de Bras-Panon à Sainte-Rose.

Enjeux

L’excessive attractivité des sites littoraux

Jour d’affluence sur la plage de l’Hermitage-les-Bains.
Le lagon à La Saline-les-Bains, sillonné par les kitesurfs.
Fréquentation contrôlée plage de l’Ermitage, par le recul des stationnements hors des zones boisées, plage de l’Ermitage, un week-end en soirée, Saint Paul, 2022.
La plage de Saint-Pierre, un samedi d’avril : intensément fréquentée.

Il a fallu l’invention du tourisme balnéaire pour que les paysages littoraux prennent toute leur attractivité. Né au XIXe siècle, il s’agit au départ d’un tourisme réservé à quelques favorisés qui viennent en villégiature à Saint-Gilles, jusqu’alors modeste village de pêcheurs sur la grande concession Desbassyns, et coupé de Saint-Paul par les falaises littorales du Cap Champagne et du Cap La Houssaye. C’est la route qui change la physionomie de Saint-Gilles, commencée par l’ingénieur Bonnin en 1863, à la fois depuis Saint-Paul et depuis Saint-Leu. Elle est suivie par le train, dont un premier tronçon est inauguré en 1882.

Aujourd’hui, le tourisme et les loisirs liés à la mer ont élargi leur spectre d’intérêt : baignade, mais aussi marche et vélo sur la côte, plongée et snorkeling, pêche à la ligne et pêche au gros, bateaux à fond de verre, surf, planche à voile et kite surf, sans oublier le rituel pique-nique. La crise requin a toutefois freiné les pratiques les plus exposées : surf, plongée sous-marine et jusqu’à la baignade. Le littoral attire non seulement les touristes mais l’ensemble de la population de l’île. Cet attrait se concentre principalement sur les plages baignables, rares dans l’île.

L’attractivité est devenue telle que la côte, notamment la côte ouest balnéaire, est victime de surfréquentation. Cela se traduit par des problèmes multiples de circulation et de stationnement des véhicules, de dégradation et de banalisation des espaces d’accueil, d’érosion des plages, de dégradation des fonds marins et lagonaires, de pollution. Les acquisitions par le Conservatoire des Espaces Littoraux et des Rivages Lacustres (CELR) et l’application de la Loi Littoral sont des outils mis en place à peu près à temps pour éviter une urbanisation massive des côtes.

En 2022, le Conservatoire du Littoral protège 1923 ha dont 89 % acquis. Cela correspond à 18 sites ; 50 ha ayant été acquis en 2019 sur la Ravine des Lataniers. La répartition des sites s’organise en 1418 ha de forêts, 223 ha d’espaces naturels littoraux, 215 ha de savane à Heteropogon et 67 ha de zone humide littorale (Etang du Gol). En 2021, les actions principales ont porté sur les travaux de restauration écologique à l’Etang du Gol, la restauration d’habitat littoraux en faveur du gecko vert de Manapany, la réouverture du paysage de Savane à Cap La Houssaye, la stratégie d’accompagnement de la fin des plantations life plus sur Massif de la Montagne Grande Chaloupe et la réhabilitation d’une aire de stationnement à Terre Rouge.
Quant à la Loi Littoral, elle a assez efficacement freiné le développement urbain littoral des trente dernières années, qui s’est reporté plus à l’intérieur des terres sur les pentes.

La côte des Souffleurs, sauvage mais parasitée par l’excessive proximité au rivage de la RN1.
Problème de mitage du littoral de Trois-Bassins (photo février 2005).
La précieuse coupure d’urbanisation entre Sainte-Marie et Sainte-Suzanne, au nord-est, marquée par les champs de canne qui descendent jusqu’à la mer.

Malgré les protections engagées, les paysages littoraux s’abstraient difficilement de la présence du bâti, les pentes des planèzes étant propices à de vastes covisibilités.

Aussi les espaces littoraux proprement sauvages sont-ils rares et précieux sur une côte très densément habitée. Parmi les plages coralliennes, les plus fréquentées, seule celle de Grande Anse échappe à l’omniprésence du bâti ; le long du lagon de l’Ermitage-les-Bains, les filaos peuvent faire illusion et constituent de précieux espaces tampons entre le rivage et l’urbanisation balnéaire ; la plage noire de l’Etang-Salé-les-Bains, de belle ampleur, bénéficie de vrais espaces sauvages grâce à la forêt à laquelle elle s’adosse ; parmi les côtes rocheuses, seule celle de l’est échappe à la présence continue du bâti dans le paysage ; au nord-est, quelques précieux champs de canne parviennent encore à descendre jusqu’au rivage, constituant des coupures d’urbanisation indispensables ; enfin la savane du Cap La Houssaye, bien que coupée par la Route des Tamarins et mangée partiellement par des projets d’aménagement, offre de vastes espaces de respiration sur un littoral en partie déchargé du trafic de transit lié à la RN1.

Cas d’un bord de mer à revaloriser en réduisant la place de la voiture : le littoral du Cap La Houssaye.
Cas d’un bord de mer à revaloriser en réduisant la place de la voiture : le littoral de Piton Saint-Leu (côte des « souffleurs »), où la RN1 est trop proche du trait de côte (photo octobre 2006).
Cas de site à réaménager dans des dispositions moins routières et plus urbaines : la RN 1 à Boucan Canot (photo octobre 2006).
Accès confidentiel et peu valorisé au littoral de Souris Chaude.
Problème d’accès à la mer peu avenant (La Possession, 2009).

Outre l’urbanisation, les paysages littoraux souffrent en certains points de privatisation, et presque partout de l’intense circulation des véhicules concentrés sur les routes littorales historiques que sont les RN 1 et RN2. Sur l’Ouest, des propositions illustrées ont été faites en ce sens des propositions illustrées ont été faites pour rendre la cote aux circulations douces, piétonnes et cyclables, dans le cadre de la charte paysagère du TCO (2007). La situation évolue doucement, avec notamment, en 2023, la Région Réunion qui finalise sur la RN1A, au droit de la pointe du Cap La Houssaye, des travaux de sécurisation et de création d’une piste cyclable bi-directionnelle, en prévoyant sur cette portion une circulation limitée à 50km/h.

L’érosion des plages coralliennes, l’érosion des terres et la pollution des étangs et lagons : dilapidation d’un capital vital en termes social et culturel, environnemental et économique

Le phénomène d’érosion des plages, dessins de Roland Troade.
Filao déchaussé, témoignant de l’érosion (plage de l’Ermitage-les-Bains, 2008).

L'érosion des plages coralliennes

À La Réunion, les récifs coralliens sont présents principalement dans l’Ouest et Sud-Ouest de l’île, au niveau de la côte sous le vent. Environ 8 % du périmètre de l’île accueillent des formations coralliennes, avec notamment 25 km de plages de sable d’origine corallienne et dunes associés. Ils se répartissent de manière discontinue entre Saint-Paul et Petite Ile, avec un linéaire de plage corallienne principalement localisé sur Saint-Paul et Saint-Leu (secteur Saint-Gilles-les-Bains à Saint-Leu). Ces plages résultent d’un fonctionnement particulier, en lien avec le bon état des récifs coralliens (rechargement par érosion et sédimentation naturelle). Ces espaces littoraux concentrent aussi l’essentiel des activités touristiques et de loisirs du littoral réunionnais. Il en ressort une forte pression anthropique, en lien avec différents phénomènes : la sur-fréquentation, l’urbanisation de littoral en particulier des arrières-plages (murs de protection au bord des plages, urbanisation balnéaire, …), une dégradation du continuum terre-mer engendrant diverses pollutions, une dégradation de l’état de santé des récifs coralliens qui participe à l’érosion des plages.

Depuis plus de 20 ans, il ressort que 50% du littoral réunionnais souffre d’érosion côtière, en particulier au niveau des côtes sédimentaires (cordons sableux, galets). Alors que les plages vivent au rythme des érosions naturelles (recharge par les apports des récifs, décharge avec houle…), l’érosion anthropique entraîne un bilan négatif entre les apports et départ de sable, entraînant un déficit sédimentaire. Ces pressions sont diverses, telles que :

Problème de murs en haut de plage : dégradation du paysage balnéaire et aggravation de l’érosion.
Destruction par érosion littorale (l’Ermitage-les-Bains photo janvier 2007).
Les murets construits en haut de plage, par leur pouvoir de réflexion, renforcent la turbulence des vagues. Le ressac transfert ainsi le sable démobilisé vers le large. Par ailleurs ces murets perturbent et empêchent les échanges de sables réguliers entre le haut de plage et le bas de plage : après une forte houle agressive, le haut de plage ne peut plus jouer son rôle de réserve pour réalimenter le bas de plage dégraissé.
L’aspect excessivement minéral du littoral de Saint-Denis (2006).
L’urbanisation du trait de côte à Saint-Leu.

L’urbanisation côtière de La Réunion a été partiellement réalisée directement sur les plages. Cet empiètement de l’urbanisation sur le domaine côtier affaiblit les stocks sableux qui n’entrent plus dans les échanges sédimentaires indispensables au maintien des estrans.

Erosion du trait de côte sur le littoral de galets de Saint-Louis.

La mise en place d’ouvrages portuaires et d’équipements littoraux peut altérer et modifier la dérive littorale. Le transit des sédiments et l’hydrodynamique sont modifiés de manière significative.

L’état de santé du système récifal a tendance à se dégrader ces dernières années. Les pressions sont multiples : pollution d’origine agricole (engrais…), rejets divers (eaux usées et pluviales notamment), dégradation du bassin versant (augmentation de la turbidité ou apports sédimentaires dégradant les coraux), fréquentation excessive altérant le lagon (notamment le platier avec ses colonies coralliennes) … Avec la détérioration des récifs coralliens, s’engage une altération du fonctionnement sédimentaire des plages (moins de recharge en sable), créant une érosion côtière.

Appréciées pour l’ombrage qu’elles offrent, les plantations de filaos, réalisées au XIXᵉ siècle, sont aujourd’hui vieillissantes.

Les plantations de fixation des sables, notamment des filaos au XIXᵉ siècle, à l’Ermitage-les-Bains, la Saline-les-Bains, Saint-Leu, l’Etang-Salé-les-Bains, sont vieillissantes. Les arbres hauts perchés sur leur faisceau de racines à nu témoignent de façon spectaculaire de l’érosion des plages. Des dispositions plus adaptées de replantations anti-érosives voient le jour, faisant appel aux essences endémiques ou indigènes, réparties progressivement, depuis les herbacées ou rampantes jusqu’aux ligneux. Les travaux de restauration écologique de la plage de l’Ermitage-les-Bains entre 2019 et 2022 ont eu pour objectifs lutte contre l’érosion du haut de plage, la restauration de l’arrière-plage et le contrôle des espaces de promenade en restituant un espace de plus accessible et mieux valorisé.

L'altération du continuum terre-mer, avec érosion des terres et pollution des eaux littorales

L’agriculture est un secteur d’activité traditionnel pour La Réunion depuis la présence de l’homme au XVII siècle. Les terres agricoles (culture ou jachère) occupent 42 421 ha, soit 16.6% de la surface de l’île (35% de la surface en dehors des espaces naturels protégés). Près de 55% des surfaces sont dédiées à la canne à sucre, 30% à l’élevage et 15% aux cultures diverses. Ces différentes pratiques sont susceptibles d’affecter le bassin versant, par l’intermédiaire de l’érosion, mais aussi par pollution chimique (engrais).

Par ailleurs, l’urbanisation et l’aménagement du territoire ont augmenté. Entre 1989 et 2003, la part de la surface urbanisée a été multipliée par 2 dans les bas, par 3 dans les mi-pentes et par 5,5 dans les hauts (source SDAGE –Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux- 2009). À l’heure actuelle, les espaces urbains occupent 29 919 ha, soit 11% du territoire (Agorah, 2016), avec un étalement principalement localisé dans les mi-pentes et le littoral. Cela entraîne une imperméabilisation croissante des sols, qui aggrave l’aléa inondation et génère des rejets importants (eaux pluviales notamment) et diverses pollutions indirectes. Les dispositifs mis en place (retenues, gestion des eaux usées ou pluviales…) apparaissent insuffisants.
Les pollutions d’origine agricole ne sont pas aussi importantes que sur certains bassins métropolitains mais leur augmentation est constante depuis quelques années.

Les eaux pluviales proviennent des ruissellements et rejets des zones imperméabilisées (milieu urbain, industriel, portuaire, routes…). Ces rejets peuvent notamment se charger de matières en suspension ou de certains polluants, participant à la dégradation de certains milieux naturels sensibles comme les zones humides, les récifs coralliens, les cours d’eau.

Les stations d’épuration tendent vers la saturation, ou certaines présentent des déficits en termes de traitements. Cela peut conduire à une dégradation des eaux rejetées.
Les rejets industriels peuvent contribuer à la saturation des stations d’épuration (cas des rejets des usines sucrières), et ne sont pas toujours conformes, ce qui peut donc créer différentes pollutions.
L’assainissement non collectif est moins important maintenant à La Réunion, mais concerne encore 48% des foyers réunionnais. Les traitements des eaux usées se sont améliorés, mais cela impacte certaines masses d’eau superficielle, comme au niveau de la Rivière des Pluies, Rivière Saint-Jean, Rivière du Mât ou Saint-Gilles-les-Bains (SDAGE, 2021).
L’érosion est aggravée par la suppression des andains sur les terres cultivées.

Ces différentes pressions entraînent un ensemble de pollutions qui peuvent affecter certains milieux naturels jugés sensibles, tels que les zones humides (notamment les étangs littoraux de Saint-Paul et du Gol, voire de Bois Rouge), ainsi que les récifs coralliens. Les masses d’eau côtière de type récifale souffrent grandement de ces pollutions, que ce soit chimique (nitrates, les phosphates, pesticides), l’érosion avec apport de matières en suspension et turbidité… Ainsi, en 2019, sur les 4 masses d’eau côtière de type récifale, 1 est en bon état et 3 sont dans un état moyen, témoignant d’une dégradation globale des récifs coralliens. De manière générale, les tendances évolutives mettent en évidence des risques d’augmentation de ces différentes pressions, que sont l’érosion, la pollution ou l’urbanisation (croissance démographique…). Pour limiter ces différentes pressions et préserver les milieux littoraux, des actions ont été mises en place, qui bonifient le paysage littoral :

La dépréciation des paysages secs de l’ouest

La savane de Pointe au Sel, juin 2000.
La savane arborée vers Stella Matutina, juin 2000.
2010
2000
Les pentes sèches de La Saline-les-Bains, entre 2000 et 2010.
La savane de Stella / Pointe au Sel, juin 2000.
La savane de Stella en 2010, avec le passage de la route des Tamarins.
La savane du Cap La Houssaye vue depuis la route des Tamarins en 2010.
Evolution de la savane en savane piquetée entre Stella et le littoral, Saint Leu, mai 2022.

Les paysages agricoles de canne, de vergers ou de maraîchage ne sont pas les seuls à pâtir du développement mal maîtrisé de l’île. Sur le littoral ouest, les paysages secs de savane tendent à disparaître, sous le triple phénomène de l’urbanisation, de l’irrigation et de l’abandon du pâturage. Si la forêt sèche à lataniers et à benjoin a disparu depuis longtemps, les étendues de savane, entretenues par le parcours des cabris ou des bœufs Moka et par le feu, sont en train de disparaître. 

Elles ont d’ores et déjà laissé place à de vastes étendues de fourrés épineux peu attractifs sur le littoral (entre la Grande Ravine et Saint-Leu). Depuis les dernières décennies, l’urbanisation grignote le reste des étendues de savane, qui, ainsi fragmentées, se transforment en friches résiduelles peu avenantes et guère capables « d’absorber » le bâti nouveau. Le pâturage, contraint par les ruptures de continuités (qu’aggrave la route des Tamarins localement), abandonne les espaces trop difficiles à gérer. L’irrigation en cours conduit à substituer de façon spectaculaire de vertes étendues de canne aux fauves ondulations de savane. Celle-ci devrait se maintenir partiellement sur le Cap La Houssaye, où la route des Tamarins a été dessinée et plantée dans cette perspective, aménagée en « route de savane » : chaussées décalées et séparées pour ouvrir les vues, terrassements morphologiques reprenant les modelés naturels de la savane, création d’ouvrages d’art supplémentaires pour favoriser la perméabilité de la route et le passage des troupeaux, choix de palette végétale adaptée au contexte. Un morceau de savane est également protégé sur la Pointe au Sel.

La quasi-disparition de la savane est une perte pour l’île dans son ensemble. La savane contribue en effet à la diversité et aux contrastes des paysages, valeur première de La Réunion. Elle a été identifiée comme précieuse dès 1992 (Etude des espaces naturels et culturels remarquables du littoral de La Réunion, DDE/Folléa-Gautier) et le Cap La Houssaye protégé de ce fait dans le SAR 1994. Au-delà, elle mérite aujourd’hui une réhabilitation et un réaménagement en « parcs de savane », en faisant une place à la recréation de forêt sèche et savane arborée, d’autant que la population s’y avère sensible, fréquentant de plus en plus densément la savane du Cap La Houssaye depuis l’ouverture du chantier de la Route des Tamarins au milieu des années 2000.

Des réflexions sont menées par le Conservatoire du Littoral (CELRL) sur des expérimentations de brûlage dirigé pour contribuer à l’élimination des plantes envahissantes et notamment de faux mimosa (Leucaena Leucocephala)… Elles montrent que le feu seul ne peut rien, il faut qu’après lui et quand la végétation a suffisamment repoussé passe le bétail. Caprins et bovins maintiennent les ouvertures que le feu a ménagé ; consomment les jeunes pousses et aident à limiter l’expansion des arbres et des buissons. (Source Patrimoine Paysage sous le vent. Serge Briffaud 2019, article initialement paru dans « les Carnets du Paysages », Acte Sud, n°35). Face à la déprise pastorale de la filière (cheptel de 100 têtes de bœuf moka et de cabris avec peu d’éleveurs) et aux contraintes de brûlage en partenariat avec le SDIS, les expérimentations mécaniques sont en cours de mise en œuvre par un engin appelé « pieuvre » pour lutter contre les plantes invasives et la fermeture de la Savane.

Orientations

Protéger et valoriser les paysages naturels littoraux

Objectifs

Principes

Illustrations

La route des Tamarins, créée à travers l’espace naturel littoral du Cap la Houssaye, a adopté des principes de paysage qui ont permis la cicatrisation et la mise en scène de la savane : tracé assoupli, ouvrages d’art supplémentaires, route à chaussées séparées et décalées en balcons, murs de basalte, reconquête par la graminée indigène Heteropogon contortus, … (agence Folléa-Gautier, paysagistes urbanistes).
... Et demain ?
Aujourd'hui...
Principe d’aménagement de protection contre l’érosion du trait de côte, avec valorisation paysagère et environnementale – Photomontage avant/après (littoral du Port, extrait du Schéma intercommunal d’aménagement des lisières urbaines, TCO, Agence Folléa-Gautier + Zone UP, 2009).
Bon exemple de l’aménagement doux de la plage de Saint-Pierre, pour la protéger de l’érosion et la valoriser.
Principe d’aménagement de sentier littoral limitant l’érosion en secteur littoral densément fréquenté – Photomontage avant/après (extrait de la Charte paysagère du TCO, 2008, image Agence Folléa-Gautier).
Exemple de replantation de cocotiers en haut de plage (L’Étang-Salé-les-Bains).
Encourager la différenciation des paysages littoraux végétaux dans les aménagements. Ici, sur les deux photos ci-dessus, les exemples d’un bouquet de lataniers sur la côte sud-ouest, et d’un bouquet de vacoas sur la côte nord-est.
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© Atlas des paysages de La Réunion – DEAL Réunion – Agence Folléa-Gautier – 2023
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© Observatoire photographique du paysage de La Réunion – DEAL Réunion
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Enjeux de réhabilitation / création

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Connaissance

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