Atlas / 2. Les fondements naturels et anthropiques / Les paysages et les climats
À l’ouest, c’est sur le littoral qu’il pleut le moins, en particulier autour de Saint-Gilles-les-Bains (525 mm/an). La pluie peut être absente pendant plusieurs mois et tomber ensuite en abondance sur une courte période à la suite du passage d’une dépression ou d’un cyclone. La rareté de ces précipitations a donné lieu à un milieu sec qui enrichit le kaléidoscope des paysages de l’île : la forêt sèche à benjoins et lataniers, à peu près disparue, et la savane, entretenue par le pâturage et les feux ; c’est un paysage fragile, en voie de disparition du fait de l’urbanisation, de l’irrigation des terres et de la baisse de l’élevage provoquant des enfrichements de Prosopis ou Zepinard (Prosopis juliflora. Cet arbuste, originaire du Mexique et du nord de l’Amérique du Sud est maintenant naturalisé dans nombre de zones sèches des régions tropicales. Il a été introduit à La Réunion depuis Hawaii en 1913 pour nourrir le bétail avec les gousses. Ses rameaux sont garnis d’épines foliaires redoutables). La pluviosité augmente au fur et à mesure que l’on s’élève. On note ainsi, par exemple, un petit noyau pluvieux au niveau de la plaine des Makes (2 m/an).
Pour un secteur donné, quand on s’élève du littoral au sommet de l’île, les foyers de précipitations les plus intenses sur l’île, se rencontrent aux altitudes intermédiaires, entre 1000 et 2000 mètres : Plaines des Makes, Petite France, Takamaka, Hauts de Sainte-Rose et Forêt de Saint-Philippe. Ils favorisent le développement de la forêt.
L’écart climatique entre l’est et l’ouest contribue de façon essentielle à la diversité contrastée des paysages littoraux ; il explique pourquoi le « lagon » et les plages de sable blanc, issues des coraux du récif frangeant, se concentrent à l’ouest : il faut des conditions climatiques précises pour que le corail se développe, qu’il trouve sur la côte ouest ensoleillée et plus abritée ; à l’est, les vagues atteignent directement la côte, offrant un spectacle de jaillissement d’écume plus sauvage et non moins beau : radicalement contrasté.
Depuis le XXᵉ siècle et le développement du tourisme balnéaire, le soleil de l’ouest — couplé à la présence des plages baignables — explique largement pourquoi le poids de population a basculé en faveur de la côte occidentale de l’île, après des premiers développements plutôt concentrés au nord-est plus fertile. Les aménagements : création du Port, implantation d’hôtels, irrigation du littoral Ouest (ILO), route des Tamarins… renforcent cet héliotropisme (voir le chapitre Les paysages, l’urbanisation et les infrastructures).
Le climat de La Réunion est caractérisé par la douceur de ses températures. La position géographique de l’île, ni trop près ni trop loin de l’équateur, et surtout le rôle régulateur de l’océan et des alizés, sont les principales causes de cette douceur.
Aussi l’amplitude thermique est assez faible entre la saison fraîche, de mai à octobre, et la saison chaude, de novembre à avril : elle n’excède pas 10°C pour un lieu donné.
C’est surtout la décroissance des températures avec l’altitude qui favorise la diversité des paysages. Le long des pentes de l’île, le gradient thermique varie de -0,7 à -0,8°C pour 100 m. Comme le relief est très accentué sur l’île, les isothermes suivent le plus souvent la carte hypsométrique, participant, avec les précipitations, à l’organisation étagée des paysages, en strates altitudinales successives.
On lit bien également les changements de saison en altitude, lorsque des plantes caduques de climat tempéré, introduites, parviennent à boucler leur cycle de quatre saisons : les platanes des bords de route, les hortensias des jardins, etc.
Dans l’Est, les saisons sont tranchées de façon moins sensible. Même si l’on parle de saison « sèche », il pleut tout de même plus de 700 mm sur le volcan au cours du mois le moins arrosé : soit plus qu’à Paris en une année ! En revanche les saisons des fruits contribuent à rythmer agréablement le cours du temps : les letchis de Noël, les goyaviers de juin, etc.
Mais partout la canne rythme les saisons et contribue aux variations des paysages dans le temps : champs blafards en fin de saison sèche, après la coupe, bien vite reverdis aux premières pluies ; champs pleins et verts lumineux tout le reste de l’année, laissant des vues dégagées en début de pousse, puis noyant l’observateur lorsqu’elle atteint sa maturité en fin de saison des pluies ; champs allumés par la soie mauve des fleurs qui accroche magnifiquement la lumière du soleil, etc.
L’étalement de la saison de la coupe, de juillet à novembre, contribue à enrichir les paysages en faisant se côtoyer des champs d’aspect divers et bigarrés.
Les cyclones et les grosses dépressions sont destructeurs par la puissance des vents et parfois aussi par l’importance des précipitations. Ces pluies torrentielles provoquent inondations, coulées de boue et glissements de terrains. Elles sont renforcées par la force du relief. À La Réunion, cet aspect donne une importance considérable aux pluies qui atteignent tous les records. Les cyclones sculptent ainsi les spectaculaires reliefs ruiniformes de l’île, et les pluies sont leur bras armé.
La Réunion n’échappe évidemment pas au dérèglement climatique mondial lié aux émissions massives de gaz à effet de serre. Depuis 50 ans, les températures moyennes y ont augmenté de près de 1 degré, avec un réchauffement de l’ordre de 0,18 ° C par décennie. Cette évolution est du même ordre qu’au niveau mondial. Ce réchauffement se situe bien au-delà du seuil de 0,12 ° C fixé par l’accord de Paris sur le climat de 2015. En l’absence de politiques fortes d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre telles que prévues par les États signataires des accords de Paris, les températures pourraient encore augmenter d’environ 3 ° C à La Réunion d’ici la fin du siècle, selon Météo-France. Le réchauffement climatique aura probablement pour conséquence des pluies moins fréquentes mais plus intenses [Météo-France, 2019]. Pendant l’été austral, les précipitations pourraient augmenter de 10 à 20 %, tandis qu’elles baisseraient significativement pendant l’hiver austral, jusqu’à -30 % localement. Les contrastes saisonniers seraient donc de plus en plus marqués, tout comme les contrastes entre la zone au vent et la zone sous le vent. De manière générale, La Réunion serait plus exposée aux épisodes climatiques extrêmes (sécheresses, fortes pluies ou cyclones) qui devraient être plus fréquents ou plus intenses. D’où l’urgence paysagère double :